mercredi 10 mars 2010

Fumer


Les jours jaunes, verts et bleus alternent avec les réminiscences blanches de l'hiver et la grisaille humide de nos giboulées. L'obscurité perd du terrain, la lumière et le chant des oiseaux soulèvent nos paupières avant que ne commencent les travaux publics de la rue, les visages rosissent, les regards s'animent, les corps se tonifient; malgré le froid, le printemps a bel et bien pris ses quartiers chez nous.
Pour la première fois depuis que nous avons arrêté de fumer (trois ans et trois mois), j'ai éprouvé un sentiment d'allégresse. Alors que d'habitude, je suis heureuse de ne plus être dépendante de cette *merde*, ne plus passer l'hiver à soigner mes bronchites, ne plus vivre dehors ou sous la hotte de la cuisine, voir mes deniers s'envoler en fumée, rabrouer les enfants en leur demandant d'attendre que je termine ma cigarette, devenir dingue parce que tous les paquets sont désespérément vides et les magasins de la terre entière fermés ou en rupture de stock, avoir honte parce que ma fille de deux ans et demie demande à la caisse si j'ai besoin de "clopes" en désignant la marque que je fume, pire encore quand j'affiche le ventre rebondi d'une heureuse et fumeuse grossesse... pour ces raisons et tellement d'autres je suis heureuse d'avoir arrêté de fumer. Malgré tout il y a toujours en filigrane ce petit soupir: "ah, si je pouvais en fumer une ou deux par jour sans plus"!, ah, la cigarette qui accompagne une discussion passionnante, les yeux rêveurs suivant les volutes de fumée, celle qui accompagne le verre de vin ou la tasse de café en un geste séduisant, la récompense tellement méritée après chaque activité, celle du soir et celle du matin, celle qui détend et celle qui réconcilie, celle qui accompagne les éclats de rire et celle qui console, elles ont toutes un sens les cigarettes, alors comment ne pas ressentir ce petit pincement quasi insaisissable mais latent... Cette fois-ci, en entendant pour la nième fois la toux grasse de mes collègues, je me suis sentie LIBRE. Non pas libérée, mais réellement, profondément libre, légère, détachée, aérienne. Non pas un sentiment relié au passé mais tourné vers l'avenir, positif, ouvert, prometteur. Cette béatitude physique qu'on peut ressentir quand on boit son litre et demie d'eau et qu'on fait un sport qui améliore la condition physique, suivi des caresses et des senteurs d'un hammam, conjugué à l'élévation de l'âme et de l'esprit, une lecture enrichissante, une sonate émouvante, une toile qui n'en est pas une parce qu'elle est tout simplement, une conversation où on réalise que le bien existe, c'est tout ça à la fois que j'ai ressenti à propos de la cigarette. Alors, oui, definitely, je ne fume plus.

photo de Dam, sur mon chemin, toujours avec beaucoup d'admiration.

26 commentaires:

  1. Cela fait environs 20 ans que j ai essayé d éliminer le tabac de ma vie, mais je retombe toujours, il y a 2 ans j ai recu une grosse boite de cigares de mon patron, et bien quoi je n allais pas les jetter, alors je les ai fumé.Maintenant cela fait 1an que j ai arrété, mais pour combien de temps?
    Bonne soirée Latil

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  2. Et moi je replonge...Qu'est-ce que je regrette!
    S

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  3. J'avais toujours dit, crânement, que j'arrêterais de fumer quand je serais enceinte et,... je l'ai fait. Depuis 23 ans, je ne fume plus (je fumais beaucoup beaucoup !). Encore maintenant, quelque fois, je me dis : "tiens, j'en fumerais bien une", mais je ne le fais pas (ce qui n'est pas un gros effort heureusement) parce que je sais que si j'en reprends une, en trois jours, je redeviens une vrai fumeuse. Ça, j'en suis sûre.

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  4. Philip & Morris vont être contents! Quel joli texte, si bien écrit. Il est aussi léger et aérien que les volutes bleues qui s'évanouissent langoureusement dans l'air immobile. Bisous du grand sud.

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  5. Tu as raison tu t'es peut être libérée mais attention le piège est toujours là.
    J'ai arrêté une première fois sept ans, la seconde fois cinq ans.
    Tien où sont encore passé mes clopes?
    rire
    Bisous Delphine
    Math

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  6. Comme Epistyle, j'ai arrêté 6 mois avant d'être enceinte sous la menace du futur papa. Je fumais aussi beaucoup beaucoup. Plus de 20 ans donc, je n'en ai plus envie, vraiment. L'odeur maintenant me dérange même. Ce qui m'a manqué très très longtemps, c'est le geste, sortir la cigarette, l'allumer .... Je me suis retrouvée 2 ou 3 ans après avoir arrêté dans un embouteillage, la main dans mon sac en train de chercher le paquet ! C'est vrai qu'on est bien sans :))

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  7. Ah il est vrai que la vie claire que tu nous décris, l'air cristallin, le chant des oiseaux, le ciel qui chante dans la lumière, et cette non-dépendance (ou presque) à cette tentante faiseuse de fumée, on sent que tu l'apprécies.

    Je n'ai jamais vraiment fumé. J'avais "des clopes" dans mon sac pour faire cool quand j'avais 17 ans, et le tabac finissait partout, salissant mon portefeuille, l'intérieur du sac, jaillissant d'un paquet qui semblait sortir de la poubelle. J'ai juste adoré - vraiment - fumer des cigarillos ou des gauloises ou Sainit Michel bien toxiques et fortes. Mais si j'ai fumé 50 cigarettes/cigarillos en tout dans ma vie, c'est tout.

    Cependant, je ressens comme toi parfois l'envie d'une cigarette comme celle d'un bon verre de vin. Je comprends donc tout à fait ...

    Mais tiens bon, mets ton renon avec les prières indulgencies, tu augmenteras ton capital péchés à faire! :)

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  8. Comme je comprends ton texte ! J'ai commencé à la fac, arrété quelques années plus tard au milieu de ma 1ère grossesse, tenu 6 ans avec un conjoint fumeur, repris... me suis autoflagellé, ai échangé mon conjoint fumeur contre un autre non fumeur... honteuse, j'ai arrété à ma dernière grossesse il y un peu plus de 5 ans pour ne plus reprendre depuis, ne même plus avoir l'envie. Comme un déclic, cette dernière grossesse m'a donné le dégoût de certaines odeurs, certains aliments... Dégoût qui n'a pas disparu avec l'accouchement. J'ai redécouvert les odeurs, la liberté de me déplacer sans craindre la pénurie... Oui, bonheur.
    Ah, si seulement notre experience pouvait servir à nos propres enfants...(fermez la parenthèse hors propos...)

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  9. Très beau texte plein de sagesse... Personnellement, je n'ai jamais fumé de ma vie, ce n'est pas les occasions qui ont manqué mais cela ne m'a jamais tenté. Ravi si mes articles sur le dernier livre de Frank Andriat et sur le peintre Charles Houben t'ont plu.

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  10. Voilà qu'en te lisant je chantonne "Fumando espero al hombre que más quiero...", ce magnifique tango:
    http://www.youtube.com/watch?v=v0Aw7UTsjjY&feature=fvw
    Bonne soirée...sans fumée!

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  11. S'arrêter sur une passerelle dans la verdure, se promener "sans manches", lire ce texte allègre et juste, quels plaisirs ! Oui, bravo.

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  12. @Latil: courage Latil et merci pour cette première visite! Une taf, un coup de blues et c'est reparti... Je sais bien et j'ai tremblé quand j'ai vu mon mari un cigarillo à la bouche... Dans les moments de regrets je me rappelle la difficulté que j'ai éprouvée à arrêter et tous les bénéfices que cela m'apporte! Pour le moment ça va, mais en effet, je ne jure de rien. Heureusement la société nous y encourage moins...
    @S: et c'est grâce à ta véhémence que nous avons arrêté (et le livre que tu nous as conseillé). t'en fais pas va, si tu as su arrêter une fois tu sauras le refaire quand ce sera le moment...
    @Epistyle: bravo pour cette détermination et en effet, je suis comme toi, une toute petite bouffée de rien du tout, un léger tournis et un goût d'herbe brûlée en bouche, une deuxième qui sera meilleure et c'est reparti... J'ai été jusqu'à arrêter trois fois la même journée! (c'était la pire, j'avoue).
    @Damien, les volutes bleues de ta pipe? Merci pour ton passage et ta gentillesse. A très bientôt! Bisous du Nord
    @Math: je sais je sais quatre de mes frères et soeurs fument encore, plus, à nouveau, toujours alors... Mais quand on fume, autant le faire sans penser aux regards réprobateurs où en contemplant les photos illustrant les paquets, sinon on passe son temps à culpabiliser alors qu'elle apporte réellement un certain bien-être pour ne pas dire un bien-être certain. Fume-la pour moi celle-là, d'accord? Gros bisous
    @ms: bravo pour cette volonté! Il est vrai qu'avoir un conjoint non fumeur aide beaucoup. Ah, le reliquat de ces gestes... Elle manque de moins en moins, cependant, une petite pointe d'envie surgit de temps à autre...
    @Edmée: ah tu me fais sourire avec la frime de tes 17 printemps et ton sac parsemé de tabac sec... Et tu ne m'étonnes qu'à moitié dans le choix des tabacs: tu finis par te dévoiler dans tes délicieux billets (je n'ai pas encore commencer ton livre qui est pile en face de moi, je te raconterai pourquoi.)
    @FD: bravo! tenir avec un conjoint fumeur, c'est du presque mazochysme! et ta parenthèse ne me semble pas du tout hors de propos, mais aujourd'hui, tant qu'il ne s'agit que de tabac les parents respirent non?
    @PB: Merci PB, heureux es-tu de n'y avoir pas goûté! Et oui, je les ai beaucoup appréciés.
    @Colo, je m'empresse de l'écouter, moi qui suis fan de tango... merci pour cette découverte -une de plus!- Bonne soirée.
    @anonyme: merci M., nous avons tous nos priorités et nos luttes et nos difficultés.
    @Tania: merci merci! Dam est pour moi un photographe hors pair, et c'est vrai qu'évoquer un printemps plus "avancé" nous encourage dans les relents hivernaux que nous connaissons non?

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  13. Un homme a déjà dit à ma conjointe:

    Chaque cigarette que vous fumez diminue votre espérance de vie de quatre minutes.

    Et elle de répondre:

    Chaque jour qui passe diminue la vôtre de 24 heures!

    Accent Grave

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  14. j'ai arrêté il y a dix ans...
    jamais repris.
    fumé --ou tenté de le faire, un clop il y a deux ans, lors d'une grosse crise désespérée... trouvé ça infect, j'ai plus recommencé !
    ça fait des économies... :o)

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  15. @accent grave: Bonsoir accent, ravie de votre commentaire pertinent! Petit rappel pour faire un petit tour chez vous. Comment avez-vous vécu les JO?
    @Cabotine: la première après après est toujours mauvaise. Heureusemement tu t'es arrêtée là. Et oui, mais l'argent part toujours quelque part... si ce n'est plus dans la clope, c'est dans toutes les compensations! Bonne soirée.

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  16. quel beau billet, si bien décrit, tant dans la liberté de celui qui ne fume plus que dans la nostalgie d'une toute petite cigarette qui ferait tant de bien...
    Je ne fume pas, je n'ai aucun mérite... et aucun de mes cinq enfants ne s'est mis à fumer...j'en suis heureuse je le reconnais...

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  17. J'ai eu un père fumeur pendant des années, ma mère lui a mené la vie pour qu'il ne fume pas dans la maison ni devant nous. Et puis un jour il s'est arrêté, et sa vie s'est transformée. Moi je n'ai jamais éprouvé ce besoin, ni même cette envie que tu décris pourtant si bien! Je pense que j'ai eu de la chance. Les Bouddhistes disent que tous les hommes ont le même nombre de respirations à la naissance pour toute la vie. C'est pourquoi ils s'attachent à respirer très lentement et à pleins poumons, pour vivre plus longtemps...C'est la base du yoga.Et c'est pourquoi il n'y a pas de yogi qui fume...

    Célestine
    ps rien reçu?

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  18. @Coumarine: merci beaucoup. Souvent les parents fumeurs engendrent des enfants fumeurs...
    @Célestine: j'aurais dû recevoir quelque chose? Non, bien sûr que non, tu penses que j'aurais réagi! D'avance merci pour cette surprise... Et heureux qui comme Célestine n'a jamais fumé...

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  19. Moi, je n'ai jamais fumé, pour ne pas tomber dans la similitude avec les copines, rebelle que j'étais ado. mon mari, fume, à mon grnd desespoir. Mais je n'ai jamais tenté de l'en dissuader, vu que je garde mon energie à de schoses plus efficaces. quand hommene veut pas, à quoi bon.

    Pour l'avenir, comme nous divorçons, il fumera encore comme il voudra, et moi, ne subirai plus le tabagisme passif. Encore une chose de gagnée.
    Encore une chose: Sur mes trois filles, aucune ne fume. Elles ont donc suivi leur mère, braves que les miennes.

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  20. Comme je t'admire, et t'envie. Je n'ai encore réussi à quitter ce petit tube qui tue. Je ne désespère pas !
    Bises et Bon week-end !
    Manderley

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  21. Qu'est-il arrivé au blog d'Amaury? Je n'arrive plus à aller dessus avec mon lien .
    Je vous embrasse tous les deux. Je vous ai envoyé quelques friandises (va voir chez Marie Madeleine :

    http://blog.mariemadeleine.info/post/2010/03/08/JOUR-de-FEMME)

    c'est allé très vite chez elle, mais la Belgique, c'est vraiment loin! déjà une semaine et demie...
    Bon week-end

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  22. @salpi: quelle bonne chose, ne jamais commencer est la meilleure des libertés. Tu as raison de ne pas harceler ton mari avec la cigarette, comme tu dis, il y a des choses bien plus essentielles...Et bravo à tes filles!
    @Manderley: c'était pas une des résolutions du premier janvier?? (smile)
    @Cel: j'ai été voir chez Marie-Madeleine et me réjouis mille fois. Et j'ai trouvé pour toi, mais il faut que je mette la main dessus d'abord! un tout petit peu de patience d'accord? Concernant le blog d'Amaury, tu n'aurais pas reçu un mail de sa part? C'était prévu en tout cas.

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  23. Je souhaite que mon mari qui a arrêté récemment
    arrive a ce détachement, cette liberté...
    Pour l'instant c'est pas gagné, il compense par des bonbons et prend du poids. Mais les enfants sont contents, ils détestent l'odeur!!
    Amicalement
    Marcelle

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  24. @Pâques : Bonjour et bienvenue ici avec ce pseudo évocateur. L'important c'est qu'il tienne, mon mari et moi avons pris chacun dix kilos et ce n'est que maintenant que nous commençons à les perdre. (et je ne vous raconte pas la tension ambiante dûe au stress...) Si les enfants n'aiment pas l'odeur, c'est peut-être gagné pour eux, quien sabe? Courage et à très bientôt!

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  25. zut alors j'étais persuadée avoir commenté...juste pour dire que cela va faire 3 ans that I quit smocking ! Happy me ;-)

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