samedi 27 février 2010

"La petite fille de Monsieur Linh" de Philippe Claudel, bonne-maman et lectures


Depuis que je sais lire, bonne-maman et moi avons fait un nombre incalculable de parties de scrabble et de mots-croisés. C'est sans doute à elle que je dois l'amour des dictionnaires qui n'avaient pas de secret pour moi. A sept ans, je connaissais les abréviations chimiques qu'elle avait reprises sur une fiche et je me mesurais à mes tantes et aux amies de ma grand-mère. Si je gagnais quelquefois, je le devais sans doute à leur générosité et à leurs conseils opportuns et discrets.
Cette semaine elle m'a demandé de passer chez elle. Soucieuse de ma santé et de mon état de fatigue, ma bonne-maman de 91 ans m'avait acheté un complexe vitaminé... de mon côté je lui avais apporté des primevères, messagères de printemps et de lumière. A notre habitude, nous avons parlé de nos lectures. Elle me disait sa déception par rapport aux choix des livres de sa tournante, je lui promettais de lui apporter deux romans que j'avais aimé et qu'elle lirait dès qu'elle aurait moins de tension dans les yeux et je suis repartie avec un petit livre de rien du tout, mais qu'elle aimait particulièrement. "tu verras, il se lit en un ou deux jours et tu l'aimeras".
Et je l'ai lu en deux jours et je l'ai aimé.
La petite fille de Monsieur Linh de Philippe Claudel est une petite chose emprunte de poésie. Monsieur Linh et sa petite-fille sont les uniques survivants d'un village asiatique. Ils réussissent à embarquer sur un rafiot et atterrissent dans une grande ville inconnue. Monsieur Linh, pour qui la vie est un collier de souffrances que l'on porte autour du cou, se force à vivre pour sa petite-fille dont il s'occupe avec une maladresse emprunte d'amour. Pour elle, il s'enhardit à quitter la pièce mise à leur disposition et se promène dans le froid piquant. Assis sur un banc public, la petite Sang Diu serrée contre lui, il contemple dans le ciel les hirondelles qui écrivent d'invisibles poésies. Un homme s'assied à côté de lui. Une tristesse indéfinissable flotte autour de lui, trahie par son regard, l'intonation de sa voix, ses gestes aussi. Tous les jours ils se retrouvent et apprennent à se connaître et à s'apprécier par-delà les mots. Mais Monsieur Linh est transféré dans un hospice. Pas un instant sans qu'il pense à son ami. Un jour il décide de s'échapper pour le retrouver...

La semaine dernière j'ai commandé trois livres que je me promettais d'acheter depuis de longues semaines: Les Romanichels d'Edmée de Xhavée (cette fois-ci c'est la bonne Edmée, j'ai reçu un mail de confirmation), L'enfant à l'endroit, l'enfant à l'envers de Nicole Versailles (enfin! Coumarine) et les Sept Oasis des mers de Damien Personnaz. Le premier est arrivé hier. Devinez duquel il s'agit? Je vous le donne dans le mille: celui de Damien! Je l'ai ouvert hier soir et me suis délectée dès l'introduction. Plonger dans les méandres de l'écriture et des aventures passionnantes d'une personne qu'on connaît, même si ce n'est que virtuellement, c'est jubilatoire.

Photo empruntée à Dam (j'adore cette photo dans laquelle est synthétisée toute la poésie de ma jeunesse, bercée par le chant des grenouilles et le bêlement des moutons...)

23 commentaires:

  1. J'ai beaucoup aimé "La petite fille de monsieur Linh". Très poétique effectivement et très profond. J'ai en attente un bouquin de nouvelles de Philippe Claudel qui est bien aussi paraît-il. C'est vraiment un auteur qui écrit merveilleusement. Ceux qui ont lu "Les âmes grises" et "Le rapport Brodeck" m'en ont dit du bien, mais ça me tente moins, trop noir pour moi je crois.

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  2. PS : Très jolie photo effectivement.

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  3. Tant de choses dans cet article. Une grand-mère que l'on choye mais chez qui on dépose ses soucis et confidences. Un "petit livre qui se lit sans que l'on y pense" et qui laisse un enchantement derrière lui.

    Ma tante Yvonne - disparue maintenant - était las soeur de ma grand-mère paternelle, que je n'ai pas connue. Elle était douce et discrète (trop, son mari n'en a fait qu'une bouchée, et ne s'est même pas aperçu de sa saveur...), et nous nous prêtions des livres. Quel plaisir que de parler des pharaons avec elle, dans son joli salon où on ne devait jamais faire de bruit de peur que son mari n'en soit indisposé, et de l'aimer, tout simplement. Je porte son prénom aussi.

    Moi aussi je me procure le livre de Coumarine! C'est vrai que lire ce que quelqu'un qu'on "connaît" (un peu) est toute une excitation en soi! Sauf peut-être les amis de longue date et la famille, qui ne font qu'y chercher ce qui est vrai ou inventé, se sentent vexés ou visés, ou sont déçus de ne pas avoir un rôle (oui, j'ai eu ça aussi !)

    Bon week-end, Dephine, et bravo pour les primevères à ta grand-mère. De la vie et du renouveau ...

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  4. Si autant d'auteurs (tous genres confondus) fréquentent ton blog, c'est que toi aussi, tu as du talent pour l'écriture et tu parviens à faire passer quelque chose à travers tes articles...

    Je ne savais pas que Damien avait écrit un livre. Où est-il donc bien parti?

    Bon week-end à tous.

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  5. Tiens, coincidence. La petite fille de M. Linh fait partie d'un ensemble de romans que nous avons choisis pour un défi-lecture inter-collèges des classes de 3è (ils ont 14-15 ans). L'immense tristesse du livre les a plombés, nos ados... Et quelle chute, misayre, quelle chute... Très beau livre, toutefois.
    Je retourne à mes fourneaux, nous serons 17 à table demain ;-)

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  6. Philippe Claudel est un auteur que j'aime énormément...
    La petite fille de Monsieur Linh est pour moi un petit bijou. J'avais fait à l'époque un billet sur mon blog
    (tu t'es adressée à mon éditeur Traces de Vie? oui, je suppose..ça me fait plaisir que tu te sois procurée le livre...
    Moi j'aurai celui d'Edmée... curieuse de le découvrir!!!

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  7. Pardon pour toutes mes fautes, j'en fais plein ces temps-ci! Soyez indulgents, j'ai un clavier sans accents, qwerty, et tout se trouve là où je ne veux pas l'y trouver. Je pense avec horreur du moment où je vais devoir me ré-habituer au clavier azerty et les accents... Ce sera le festival des fautes pendant un an ou deux. :)

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  8. Tiens, tiens, je me demande si ta bonne-maman n'est pas dans la même tournante que moi, j'ai aussi été assez déçue de l'année qui vient de s'écouler. Et jusqu'à il y a peu, la dame à qui je passais mon livre était assez âgée. Mais il est vrai qu'il y a beaucoup de tournantes de lecture :-)
    J'ai adoré la petite fille de M. Linh...

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  9. Ah Delphine, que de choses réjouissantes dans ce billet!Que de bonheur diffus, de jubilation, de plaisir littéraire! Tout ce que j'aime. Mon dieu, mais c'est moi, cette petite adolescente adossée à son mur dans son rai de lumière, dévorant sans aucune conscience de la vie extérieure les lignes qui dansent sous ses yeux rougis par la lecture, jusqu'au bout de la nuit, jusqu'au bout du rêve. Bonne Maman, c'est ma chère Grand-mère que je cite si souvent, avec qui je passais à quinze ans l plus clair de mes après midi à jouer au Jacquet et au tric-trac. Et le crois-tu? Coumarine a mis son livre au courrier pour moi, ce matin même...La vie est un collier de perles noires et blanches, dont l'algorithme mystérieux nous échappe. De la noire souffrance, bien sûr, mais aussi des moments de pur bonheur immaculé.
    big smack ma Delphine. Dans ton nom il y a elfe, tu es une fée...

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  10. Une chronique qui réchauffe le coeur avec ses parties de scrabble et ses échanges de mots et de fleurs. Bonnes lectures, Delphine.

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  11. Je me régale de te relire :))
    J'avais lu il y a fort longtemps qui m'avait beaucoup ému ...

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  12. Bonjour Delphine.
    Je viens te remercier de ton passage sur mon blog, celui que j'ai ouvert pour justement rendre hommage à ceux que j'estime.
    Nous nous sommes croisé plusieurs fois chez le petit belge mais je n'avais pas encore eu l'occasion devenir chez toi, l'on remet toujours au lendemain ce qu'on pourrait faire le jour même ce qui fait que ...
    Mais je reviendrais car j'ai comme l'impression que le tien en vaut vraiment la peine ... comme tous les autres bien sùr.
    Te tracasse pas trop pour Youri, chez moi j'embrasse tout le monde, c'est un peu ma marque de "fabrication" lol.
    Il doit probablement préféré les taloches ou je sais pas quoi, mais moi je trouve plutôt sympa de s'envoyer des bisous quand on cannait les personnes bien sùr.
    Mes amitiés les plus sincères.

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  13. Gros bisous Delphine et Universel (clin d'oeil à notre ami Youri...).

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  14. @Epistyle: j'ai l'impression que tout le monde a lu ce beau petit livre : j'aurais pu tout aussi bien résumer la fin qui est la clé de toute l'histoire... heureuse qu'il t'ait plu, en effet, les deux autres sont beaucoup plus durs, mais très bien écrits.
    et je ne redirai pas que j'adore cette photo...
    @Edmée: je connais maintenant trois de tes prénoms: tu en as combien en tout? Les souvenirs heureux sont une merveille en effet. Et je comprends très bien qu'il est malaisé d'être lu par des personnes trop proches qui vont tout lire et interpréter à un degré qui n'est peut-être pas le bon. Coumarine semble en avoir beaucoup souffert, toi aussi?
    De quelles fôtes parles-tu?
    @PB: tu trouveras son livre à la droite de son blog: je l'ai commandé sur Amazone: sans doute pour cela qu'il est arrivé le premier. Merci pour tes gentilles paroles qui font plaisir.
    @FD: tu me raconteras comment le défi-lecture se sera passé. Oui, la chute est extra-ordinaire et tellement inattendue. Et réflexion faite, on avait tous les indices pour la connaître. Ca souligne le grand talent du romancier. Ton dîner s'est bien passé? Que leur as-tu préparé de délicieux? La tempête n'a pas emporté la table au moins?
    @Coumarine, oui, ça me semblait le plus simple, mais peut-être qu'en passant directement par toi c'aurait été plus rapide. Je suis impatiente de le lire, tu me l'avais déjà conseillé tout au début, quand j'ai découvert ton blog, alors que nous abordions la problématique de l'héritage transgénérationnel.
    @Edmée: tu parles de clavier azerty; tu penses revenir?
    @Myo: sauf que chez ma grand-mère il n'y a que des personnes âgées, il me semble: elle l'organise avec les personnes de sa seigneurie... (ne tient pas en place ma bonne-maman...)
    @Célestine: tu as reçu le livre de Coumarine? C'est gentil ce que tu dis de mon prénom, c'est la première fois: en général on m'associe évidemment au dauphin.
    C'est vraiment une très belle photo hein?
    @tania: merci! Dis-moi, combien de livres lis-tu par semaine?
    @ms: alors ces vacances? Tu nous as manqué! Tu nous rapportes le soleil, la bonne humeur, des lectures et des histoires familiales par valises entières?
    @Universel: merci pour cette première visite, c'est gentil. Pareil pour moi. Le pire c'est que je pensais que mon commentaire n'était pas passé, c'est pourquoi je l'ai réécrit avec encore davantage de verve! Enfin bref, pour avoir fréquenté certains blogs où les gens se tapent sur la g... avec une grossièreté lamentable (inattendu mais vrai: le blog de Passou (assouline) lorsqu'il aborde certains thèmes qui sont sujets à polémique (il adore, ça nourrit son blog, mais je trouve que c'est réellement trop facile, enfin bref, là n'est pas la question...)
    @PB: énorme éclat de rire :-D

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  15. Oui c'est une photo superbe et très émouvante, comme la phrase d'Edmée "son mari n'en a fait qu'une bouchée et ne s'est même pas aperçu de sa saveur..."Une phrase terrible, quand on y réfléchit. Prenons garde à la saveur des choses.
    Bonne journée!
    Célestine

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  16. J'adore les dictionnaires, les scrabble et tout ça. Petit, j'ai appris toutes les capitales du monde, jubilatoire, surtout quand tout le monde s'en fichait éperdument. Merci Delphine d'avoir acheté le livre. J'espère que ta gentillesse te permettra de rayer toutes les fautes et les mentions inutiles. A PB: je suis en Australie, file bientôt vers l'est, puis vers le nord, ensuite vers le sud etc...Il fait une chaleur de sauna.

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  17. @Célestine: tu as raison, nous devons mesurer les bonnes choses sinon elles perdent leur mystère et leur saveur...
    @Damien: heureuse de te lire presqu'en direct alors que tu es de l'autre côté de la planète et que si je creusais sans discontinuer je recevrais un oeuf d'autruche sur la tête (comme Flupke)... Je ne regrette vraiment pas de m'être procuré ton livre, c'est un plaisir très égoïste bien que je sois persuadée qu'il plaira tout autant à mon mari. Encore bravo pour le ton, la qualité des informations, la sensibilité et la dérision (si si elle transparaît ça et là: tu ne peux pas t'empêcher de croquer certains caractères avec un humour grinçant!) en espérant ne jamais être prise comme modèle.

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  18. coucou, j'ai lu tes derniers billets surtout celui sur tes enfants, c'est très beau et émouvant. P.Claudel possède une très belle plume mais j'ai préféré "Les âmes grises" Il a réalisé un film "Il y a longtemps que je t'aime" si tu as l'occasion...c'est magnifique, je l'ai vu deux fois et les deux fois j'ai pleuré de joie....

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  19. J'adore cette bonne maman de 91 ans qui prends soin ainsi de l'autre.
    Quelle magnifique femme.
    Par contre, tant pis si je fais rire toute la blogosphère à mes dépends, je ne sais pas ce qu'est une tournante.
    Bises Delphine.
    Math

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  20. @Bérangère: je n'ai pas vu le film (un de plus sur la liste) mais j'en ai entendu beaucoup de bien. Je le verrai certainement!
    @Math: tu n'es certainement pas le seul: une tournante de livre est un ensemble de personnes (amis ou connaissances) qui décident de s'échanger des livres: chacun propose (un voire trois en fonction de la tournante) livres, romans, essai etc pour l'année et tous les mois, en fonction d'une liste qui a été dressée, les livres passent d'une personne à une autre. Cela permet de découvrir des oeuvres qu'on n'aurait peut-être jamais acheté, de partager ses opinions concernant les lectures etc. Le concept est intéressant mais encore faut-il être dans une tournante dont les personnes ont des goûts qui peuvent s'accorder. Ah, ma bonne-maman, il faut que je l'appelle d'ailleurs, l'hiver est long pour elle... a très bientôt Math

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  21. merci pour explication.
    En effet c'est un concept intéressant.
    Bises Delphine
    Math

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  22. le scrabble avec Bonne-maman....que de souvenirs !
    Marie dl

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  23. Hé Marie, ravie de te retrouver sur ce blog! Si un jour j'avais imaginé que tu lirais ceci... Bonne soirée et gros kiss pour tous tes hommes....

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