jeudi 13 mars 2014

mercredi 12 mars 2014

"Réparer les vivants", Maylis de Kerangal




"My heart is full".
Citant Paul Newman, Maylis de Kerangal nous offre la clé de lecture de son dernier-né, "Réparer les vivants".
Il ne s'agit pas de l'histoire de Simon Limbres, de sa passion pour le surf, la grande vague, la déferlante, la scélérate, les rouleaux, tubes, lames, "cette onde venue du fond de l'océan, archaïque et parfaite, la beauté en personne" (p. 16) ou de la souffrance, de l'errance, de la solitude, de l'anéantissement de ses parents qui vivent à chaque minute, raz-de-marée, la mort de leur fils, ni de celle de Juliette, "défigurée comme les autres, méconnaissable" (p.243), encore moins de celle des médecins et infirmiers qui vont le soigner, le palper et l'accompagner pendant les longues heures qui s'égrènent au rythme de son cœur encore en mouvement, ou de Claire, souffrant d'une myocardite et vivant de l'attente et de la peur d'une greffe, "d'un corps étranger dans le sien" (p. 207). Il y a un peu de tout cela, beaucoup de cela même, mais le véritable protagoniste de l'histoire, le personnage central, le nœud, le lien, le héros, c'est le cœur de Simon. Ce cœur, "boîte noire d'un corps de vingt ans", "vie de flux et de reflux, vie de vannes et de clapets, vie de pulsations", "nul ne saurait le connaître" (pp. 11-12).
Autour de ce cœur se cristallisent toutes les émotions, les vies, les attentes, les regards des personnes qui l'approchent et le côtoient, l'espace d'un moment qui se situe hors du temps, "en ce lieu exact du cosmos où se croisent la vie et la mort" (p.269).
Grâce à une écriture qui s'apparente à une gigantesque métaphore, Maylis de Kerangal entraîne ses lecteurs dans ce que l'homme à de plus intime et de plus universel, de primaire, d'animal mais de spirituel, dans les méandres de ses pulsions et battements, à l'image de ce cœur humain dont "seule une image en mouvement créée par un ultrason pourrait en renvoyer l'écho, en faire voir la joie qui dilate et la tristesse qui resserre (...) un récit, en profiler la vie" (p. 11).

Ed. Verticales, 2014