dimanche 26 janvier 2014

Poésie et calligraphie

Tout en repeignant un appartement à louer, je me surprends à penser à Fabienne Verdier, remarquable artiste qui m'a ouvert les portes de l'art oriental. Mon outillage de peintre amateur me fait songer à cette femme volontaire qui utilise un treuil pour manipuler le pinceau gigantesque lui permettant de calligraphier son art. A la lecture de sa biographie "Passagère du silence", les potiches chinoises trônant sur les buffets de mes parents ont enfin quitté leur anonymat pour prendre vie sous mon regard attentif. Elles m'invitent à me perdre dans les méandres des sentiers offerts sur leurs flancs rebondis, à côtoyer la jeune femme à l'ombrelle ouvragée, à m'asseoir aux côtés du pêcheur tout en contemplant le vol de ce superbe papillon dont j'ignore le nom.
Je ne m'étendrai pas sur son parcours hors du commun, Tania a déjà présenté de celui-ci une analyse tout en finesse, à son habitude.
 En collaboration avec François Cheng, de l'académie française, elle publie des calligraphies illustrant  des poèmes issus de l'âge d'or de la poésie classique chinoise.
""Les poèmes proposés dans ce Carnet du calligraphe illustrent une tradition qui correspond à l'âge d'or de la poésie classique chinoise. Les poètes de la dynastie des Tang ont su continuer, en la magnifiant, une culture littéraire dont l'origine remonte à presque mille ans avant notre ère."
"...la poésie, en liaison avec la calligraphie et la peinture -appelée en Chine la Triple Excellence- est devenue l'expression de la plus haute spiritualité." François Cheng.
"Comme l'homme, le monde respire et le calligraphe doit avoir le cœur disponible pour être capable d'insuffler à son trait le pouls de l'univers. Il doit pour cela chercher à cultiver la réceptivité, retrouver une intégrité, être à l'écoute de ses émotions et de son être intérieur." Fabienne Verdier.
"...Sur le tableau, il ne devait rester rien d'autre que l'esprit de la forme, et non la forme réelle interprétée. Je découvris alors un chemin qui me permettrait peut-être de saisir la quintessence des êtres, des pensées, de capter, en un coup de pinceau, la beauté des émotions passagères et fugitives.
Le calligraphe est un nomade, un passager du silence. Il aime l'errance intuitive sur les territoires infinis. Il se pose de-ci de-là, explorateur de l'univers en mouvement dans l'espace-temps. Il est animé par le désir de donner un petit goût d'éternité à l'éphémère." Fabienne Verdier.
Emue, je retrouve les éléments de mon étude concernant les illustrations des poèmes de Reverdy par Juan Gris, Picasso, Braque, Modigliani... L'art est universel tout comme sa quête qui se redessine au fil de cet espace-temps dont parle Fabienne Verdier  avec toute la ferveur de l'artiste habité. Que ce soit en Orient ou en Occident, en chinois ou en français, à l'encre ou au crayon, en cloisonné ou en totale liberté, l'art, le vrai, apporte un "goût d'éternité".
N'hésitez pas à prendre le temps d'intégrer chaque page de ce petit recueil, vous voyagerez!





vendredi 17 janvier 2014

La quadra



- C'est l'histoire d'une jeune quadra qui...
- Pourquoi dis-tu qu'elle est jeune, ta quadra ? Une quadra, c'est une quadra, elle n'est ni jeune, ni vieille, je me trompe?
- Si, si, celle-ci est jeune, parce qu'elle se SENT jeune. Enfin... ces temps-ci, c'est un peu différent, elle a été un peu usée par les soucis, tu vois. Finalement, elle ne se sent peut-être plus si jeune... Bon, tu as raison. C'est donc l'histoire d'une quadra qui a toujours eu beaucoup de chance. La chance, elle connaît ! Et les opportunités aussi, qu'elle a toujours saisies avec gratitude, que ce soit dans sa vie affective ou professionnelle. Elle a construit une belle famille et un semblant de carrière, riche en expériences diverses et assez complémentaires finalement. A présent, sa carte de visite affiche le titre pompeux de Directrice,  figure-toi. Mais oui, parfois ça arrive, même aux personnes dépourvues de cette ambition de la mort qui tue tout ce qui fait de l'ombre à leur ego. Le titre, c'est une chose, la fonction en est une autre. Elle s'est rendu compte, juste à temps, mais quand je te dis, "juste à temps" il était moins une, qu'il était urgent qu'elle lève le pied sous peine de contempler, des semaines, des jours et des heures durant, immobile, les flammes de l'âtre inexistant de sa maison de ville. Alors, elle a pris un congé de trois mois pour prendre du recul, éloigner les cauchemars, annihiler les angoisses et se recentrer sur l'essentiel. Elle a reposé son esprit, trop heureuse de découvrir la saveur d'un pain pétri de ses mains et d'offrir des cadeaux créés par ses doigts qu'elle a découverts agiles et inventifs, elle qui se croyait si maladroite et avait la réputation d'être toujours trop impatiente! Elle réapprend à cheminer au rythme de ses enfants, de la pâte qui lève, de la peinture qui prend le temps de sécher...
Les tiroirs de son âme portent d'autres étiquettes, certaines jaunies par le temps, d'autres flambant neuves:  livres, formation, thé, échange, artisanat, âme, accompagnement, amitié, famille, contemplation, silence, rencontre...