vendredi 28 mai 2010

Dis-moi


Dis-moi, où étais-tu? Je t'ai cherché. Tu m'emmènes avec toi? Prends-moi, loin, très loin. Emporte-moi. Marchons, courons. Main dans la main, hâtons-nous, passons la porte mystérieuse, celle qui est enluminée, tu sais? Sautons à pieds joints et passons de l'autre côté pour mieux nous envoler. Apprends-moi ce que je découvre pour la première fois, ce que je ne comprends pas. Dis-moi les choses. Les vraies. Dis-moi les choses. Les belles. J'ai soif. J'étouffe là-bas, parfois. Souvent. Montre-moi la lumière.
Mais rentrons, il est tard maintenant. Emplis de notre escapade, nous contemplerons la porte enluminée et nous nous rappellerons. Nous savons.

Photo prise par Dam, quarante ans et bourré de talent

mercredi 26 mai 2010

Dans la joie et la bonne humeur

J'ai décroché mon premier job par hasard. Rentrée de vacances, je téléphone à une amie, vous savez, une de celles que je vois ou entends une fois tous les deux ans et nous nous retrouvons comme toujours, sans masques ni barrières, une de ces rares amies qui sait les choses sans explications superflues. Elle me demande ce que je fais.
-Ben je commence à chercher du travail.
-Mais Delphine, je quitte le mien et ils souhaitent me remplacer. Si tu veux, envoie ton CV!
Quelques jours plus tard, me voilà un peu intimidée dans la salle d'attente, serrée dans un petit tailleur "professionnel", riche des conseils de papa et une vague idée de salaire en tête.
-Vous avez fait des études de Lettres, vous apprenez à rédiger des courriers, c'est ça? Me demande PC encore plus intimidé que moi (il faut dire que mon amie n'avait pas lésiné sur les compliments).
-Euh, non pas vraiment... dis-je en masquant un sourire. N'oublions pas qu'en Belgique on parle de philologie et non de Lettres, ce qui peut expliquer la méprise de mon futur Boss.
-Pourquoi vouloir travailler ici? Vous n'allez pas vous ennuyer?
-Oooh non, je vous assure, j'ai tout à apprendre.
Tu parles Charles, je suis restée 11 mois.
-Et vos connaissances en informatique?
-J'ai une bonne maîtrise des logiciels de bureau (j'utilisais l'ordinateur comme une machine à écrire et encore fallait-il m'ouvrir le programme -ne vous moquez pas, début des années nonante (souriez amis Français, c'est du belge), c'était la préhistoire des programmes grand public.)
Oui mais quand on est responsable de la communication et qu'on gère le site internet ainsi que la Newsletter et toutes les brochures commerciales et techniques, c'est un peu limite! Mettant mon orgueil en poche, je commence donc par suivre une formation d'un logiciel de PAO, généreusement offerte par mon nouvel employeur.
PC, mon patron, est le Directeur du Marketing. Sans diplôme, il a démarré comme magasinier et a très vite évolué dans cette petite structure ouverte aux suggestions. Nous partageons le même bureau. C'est l'occasion pour lui de m'enseigner le métier, de me dévoiler le marché, la concurrence, la politique des prix, la gestion des partenariats, les budgets, les enquêtes, la présence stratégique à de grandes foires, le choix d'un stand qui cadre avec notre image etc. Il aime répéter que le Marketing c'est du "gezond boereverstand" (du bon sens paysan). Il me pose beaucoup de questions concernant l'art, la musique, la philo, la religion. On collabore bien, nos discussions sont ponctuées d'éclats de rire, ce qui provoque quelques grimaces chez certains collègues très sérieux qui confondent bonne humeur et manque d'efficacité. Très vite, on nous appelle le Club Med, ce que nous avons fini par revendiquer sans honte, les résultats étant bien là! Filiale d'une boîte française leader sur le marché, on ne regarde pas trop à la dépense; il faut être des pionniers, des précurseurs inventifs, tant pis pour le prix à payer. Je me rappelle ces milliers de brochures que nous avons jetées parce que j'y ai laissé une faute d'orthographe (elle avait échappé à l'oeil vigilant du comité de lecture que nous avions eu la prudence de mettre en place), ces gadgets que je commande quand je suis fatiguée de travailler au catalogue en ligne, les cadeaux qui pleuvent et que je redistribue à mes frères et soeurs... Je me rappelle le comptable si réticent à me prêter sa voiture de société pour que je puisse me rendre chez l'imprimeur.
-Je t'assure que je vais faire super attention, malgré mon permis provisoire, je suis très prudente.
Et ma honte lorsqu'une demi-heure plus tard, tremblante, j'ai dû appeler TDL pour qu'il vienne remorquer la voiture que j'ai explosée contre un 4X4.
Onze mois plus tard, un professeur Espagnol rencontré par hasard m'a proposé de faire un travail de recherche dans son équipe. J'ai tout planté là : PC, l'ordinateur, le catalogue, le site, les brochures et les gadgets et suis partie à l'aventure, sans regrets, si ce n'est celui de quitter de manière aussi ingrate une société qui m'a tout appris.
Quelques années plus tard, apprenant que j'étais de retour au pays, ils m'ont recontactée pour un autre job. Émue, j'ai refusé. La boîte a changé, PC l'a quittée pour travailler dans un secteur différent, TDL y est revenu après avoir été infidèle pendant quelques années, des couples se sont faits et défaits dans son ombre, les vétérans y sont toujours...

Photo: Chenapan croquant la vie à pleine dent mai 2010

jeudi 20 mai 2010

"L'enfant neuf" de Colette Nys-Mazure, Mouvance et pérennité

Colette Nys-Mazure partage dans "L'enfant neuf" sa réflexion sur le drame qui a marqué son enfance. Fillette insouciante de sept ans et aînée de deux frères, elle vit la mort accidentelle de son père. Ce décès est suivi de près par celui de sa mère qui s'étiole et s'affaiblit de jour en jour, ne résistant pas au chagrin et au désespoir:
"Cette quête pourrait m'offrir un secours pour autant que je ne m'y arrête pas, car lorsqu'on a vu et compris, on n'a pas encore pris la route et, lorsqu'on marche, il reste encore à entretenir l'allant; à garder un centre de gravité sans devenir grave pour autant.
A chacun son chemin et sa demeure. Ni conseil ni tutelle. Rien que l'humilité du voyageur cherchant sa voie en prenant tous les risques, lumière soufflée par le vent de tempête ou sentier baigné de clair de lune. (...) une quête qui n'a rien d'égocentrique: en avançant on entraîne quelques autres comme on est soi-même hélé par le pas qui précède." éd. Bayard, 2005, p. 46
Je me pose des questions, je réalise que je change sans changer. C'est la crise des quarante ans, me dit spirituellement Amaury. Crise, je ne sais pas, mais évolution et cheminement, très certainement. Alors qu'auparavant, j'ai toujours claironné que je ne pourrais vivre sans travailler, je ressens aujourd'hui le besoin de m'arrêter, de m'asseoir, de m'accrocher au temps présent et à tout ce qu'il m'offre. Alors que j'ai toujours essayé d'aller au coeur des choses et des gens, je me rends compte que la course contre la montre que nous vivons continuellement nous rend la tâche ardue. Réfléchir au passé, au mien mais aussi à celui de ceux qui m'entourent, essayer de le déchiffrer et de lui donner un sens, sans regrets ni amertume, afin de mieux comprendre le présent et préparer l'avenir, contempler les enfants, ordonner, écouter, me ressourcer, prendre le temps et en profiter pleinement pour grandir et m'enrichir... faire grandir et enrichir... Oui, sans doute les 40 ans... mais bien plus aussi. Suivre cette quête qui ne m'a jamais quittée mais se fait plus pressente, plus urgente. Garder ce centre de gravité tout en prenant tous les risques inhérents à la quête. regarder les rides se former, accepter ce corps qui commence à craquer, le diriger vers la ou les réponses... me préparer, sans gravité mais sérieusement à la mort, la mienne et celle des miens...
Photo empruntée à Dam, sur mon Chemin

vendredi 14 mai 2010

Héros et normalité

Mitigée, déçue par bon nombre de mes proches et moins proches, combative, réfléchissant à l'action et la contemplation.
Dimanche, manifestation pour la Belgique. J'ai pensé à maintes reprises à mon ami Dani, ce philosophe espagnol (et basque) avec qui j'ai eu de nombreuses "disputes" concernant le pays basque et la Flandre qu'il prenait souvent en exemple. Dani (Daniel Innerarity) qui écrit dans Libertad como pasion que notre culture light ne reconnaît pas l'héroïsme, seulement la normalité. Et je me rends compte que je suis entourée de personnes qui ont baissé les bras, qui n'ont plus de couilles, pire, de tièdes qui viendront "s'il y a du monde". Mais putain, c'est eux le monde! Un cousin m'écrivait que de toute façon c'était foutu. Je lui ai répondu qu'avec des personnes comme lui, c'était clair que la Belgique n'irait pas loin. J'ai eu tort. Sans doute. Dans la forme, pas dans le fond. On m'a félicité de ne pas baisser les bras. Mais je ne suis personne, moi. Amaury était au Sénat le week-end passé, il a parlé à d'anciens combattants éplorés qui voient leurs efforts réduits en miettes par quelques crétins qui n'ont aucune vision, qui étouffent la voix de plus de 6O% de flamands qui souhaitent continuer à vivre en Belgique, des autres qui sont représentés par des politiciens qui oublient le bien public au profit d'intérêts personnels. On nous a donné le droit de manifester, saisissons-le! Certains ce sont battus pour ce droit et nous crachons dessus. Il n'est pas trop tard. Rien n'est encore fait. Alors bougeons, agissons! Ce n'est plus l'heure de la contemplation mais de l'action. Sinon, ce sont les débris de la bêtise humaine que nous contemplerons. Je n'ai pas envie de penser un jour: je n'ai rien fait. Ah si seulement... J'aurais dû, j'aurais pu... C'est maintenant que nous avons la possibilité de nous exprimer, hic et nunc! Heureusement, ces derniers jours, j'ai aussi fait la connaissance de véritables héros. Des personnes qui sortent de la normalité, qui ont une opinion et qui mettront tout en oeuvre pour la défendre démocratiquement. et je les remercie car ils me permettent de garder foi et courage dans la Belgique mais surtout dans l'homme et sa capacité à se dépasser pour des idées.
"Quien sienta la libertad como pasion sabra discernir que obstinaciones valen la pena. La libertad es cosa de héroes cuando la cultura en la que vivimos trata de imponer sutilmente la tirania de la provisionalidad." (D. Innerarity, Libertad como pasion, p 47)
Celui qui ressent la liberté comme une passion saura distinguer les obstinations qui valent la peine. la liberté est chose de héros quand la culture dans laquelle nous vivons tente d'imposer subtilement la tiranie de ce qui est provisoire."
http://wwwmanifbelge.be/ - http://www.belgischebetoging.be/

vendredi 7 mai 2010

voix publique


Il y a quelques jours, je faisais l'escargot. Le propre de l'escargot est de s'en aller lentement, on peut le suivre à la trace... Mais sa voie n'est pas toujours tracée et parfois il réapparaît, allez savoir pourquoi.
Je viens de découvrir que sur le blog d'Armelle B il y a moyen de laisser des commentaires vocaux. Après les réflexions que l'on peut trouver chez Tania concernant la voix et la personnalité, je me suis demandé si j'aimerais envoyer ma voix à tous vents, la semer au gré des clics et déclics, la jeter en pâture aux personnes friandes de sensations? Cette voix qui permet de reconnaître Delphine, ses inflexions, son accent -même si nous parlons tous sans accent!- ses nuances, ses caresses, ses cris de colère aussi -mais oui, ça lui arrive même si certains en doutent encore... La distiller à tous ces pavillons papillonnant pour aspirer les pistils de mes humeurs, qui saisiraient l'hésitation, le trouble, la gêne, mais aussi l'enthousiasme et le sourire. Ces écoutilles ouvertes à chaque note, tourbillonnant de la plus grave à la plus suave, de la plus basse à la plus élevée, de un a dix mais je vous colle zéro, à vous qui me volez... Ces tympans tapissés par ma tessiture...C'est la voie vers mon âme qu'on volerait! Pourrai-je encore voler vers d'autres cieux une voix en moins?
Photo du phare de Lyngvig empruntée à Ricochet

mardi 4 mai 2010

les quatre éléments: l'AIR - "Ave Maria" de Caccini par Libera

Pouvez-vous me conseiller pour le Feu ? J'avais une foultitude d'idées qui finalement m'ont toutes déçues. Je préfère vous faire confiance au lieu de publier quelque chose qui me convainc à moitié. Des suggestions? Elles sont plus que bienvenues. En attendant, je vous offre ce moment aérien.

samedi 1 mai 2010

l'escargot

Profonde réflexion concernant ce blog, son objectif et son bien fondé. Beaucoup de questions et de remarques, pas encore de conclusion.
Je fais l'escargot, pour reprendre une expression lue dans Tout d'un blog de Nicole Versailles, alias Coumarine. Je parle de blog dans mon blog. Je tourne en rond, je m'enlise.
Grande frayeur hier. Je proclame que je ne me cache pas derrière un pseudo. Je prône la transparence entre ma vie et mes écrits tout en étant très limitée dans les sujets : intimité, prudence et secret professionnel obligent. Amaury m'a souvent reproché d'aborder des sujets totalement inintéressants et je lui donne raison. Je tiens trop peu compte de mes lecteurs. Je devrais penser davantage aux attentes de mon blogovillage. Je disais à Coumarine écrire surtout pour moi-même, tout en avouant que oui, bien sûr, les lecteurs et les échanges donnent tout son sens au blog et l'enrichissent et surtout, comblent son auteur. Mais que veux dire "écrire pour soi-même"? Paradoxalement ce sont les sujets totalement inintéressants qui suscitent des réactions. Mes proches avouent même zapper tout ce qui n'est pas personnel. Alors quoi? Supprimer certains articles, certains morceaux d'anthologie, certaines chansons parce que JE les aime? Mais c'est justement un de mes objectifs: partager mes coups de coeur, mes moments de blues, mes interrogations, mes aspirations! Certains demeureront indifférents, d'autres se détourneront mais quelques-uns peut-être seront touchés pour l'une ou l'autre raison secrète, quien sabe?
J'ai eu une belle frayeur hier: j'ai laissé un commentaire sur un blog. Rien de bien extraordinaire. Sauf que je l'ai fait avec mon profil Blogger. Sauf qu'un de mes collègues a envoyé le lien du blog à tous nos autres collègues (pour des raisons totalement indépendantes du commentaire). Sauf que je n'aime pas mêler vie privée et vie professionnelle et que mon blog fait clairement partie de la sphère privée. Certains de mes collègues lisent peut-être ces lignes actuellement, comment le savoir. "Ce sont les risques de la blogosphère! Tu es imprudente!" me disait-on hier soir. Ben oui, et quoi? Je n'ai pas trop envie de tout mélanger, mais est-ce que ce doit être au prix de ma liberté et de mon authenticité? Il n'y a pas de réelle imprudence, si ce n'est celle d'être découverte un jour. Oui mais dans découvrir il y a le regard qui déshabille, le drap qui glisse, le maquillage qui coule sous le voile qui se soulève... il y a excitation et malaise, mais il y a aussi rêve et émerveillement...

photo empruntée à Dam