lundi 30 juillet 2012

"La tercera persona" d'Alvaro de la Rica

"Voilà, il est là, devant moi, tout juste sorti de l'enveloppe extirpée avec hâte de la boîte aux lettres. Sa couverture est attirante, mêlant un je ne sais quoi de rigueur à un suspens dramatique. La chaise semble retenir encore le parfum de la personne qui s'y est assise il y a quelques instants ou quelques siècles... "

C'est ainsi que je découvrais le premier roman de mon ami Alvaro, professeur de littérature, critique (et anthologie) littéraire, auteur de plusieurs ouvrages, notamment sur Green et Kafka. La tercera persona.

Je l'ai ouvert pour ne plus le refermer. On est immédiatement transporté par un style harmonieux, où chaque mot a sa propre couleur qui s'accorde parfois de manière surprenante avec ses voisins. Sans heurt, on passe de la narration au dialogue, d'une langue à une autre et à une évocation littéraire, artistique ou historique qui n'est jamais anodine. Transporté? Ensorcelé plutôt!

Ce petit roman de 99 pages reprend les deux premières parties d'un ensemble de neuf chapitres. Il n'a cependant rien de petit, si ce n'est sa taille: les sujets qu'il traite, l'être humain, l'amour, la souffrance, les liens du mariage, la sexualité plongent leurs racines dans une pensée audacieusement novatrice alliée à une exquise sensibilité qui emplissent le lecteur d'émotion. Les références, les métaphores, l'éclairage des décors sont choisis avec minutie, comme cette écriture "con el que cubro cada centimetro del papel de este mismo cuaderno".

De la Rica possède une excellente maîtrise de la langue, de l'art, de l'histoire mais surtout une grande connaissance de l'être humain dans ce qu'il a de plus intense et de plus profond, se penchant à l'extrême au-dessus du mystère de l'âme. Ame, qui parfois, très exceptionnellement, se révèle cette "Estrella en el cielo azul. Un resplandor oscuro qui se ha metido dentro de mi".

La troisième personne, omniprésente, est l'envers du clair-obscur dont l'ombre transfigure l'épouse. Ce qui la relie est l'absence puisque ce n'est pas l'amour mais son semblant. Cette vérité paradoxale tisse la trame de ces pages.

Ce grand petit livre, on le lit encore et encore, déterrant à chaque lecture de nouvelles richesses qui viennent nous alimenter.

Claudio Magris et Enrique Vila-Matas ne s'y sont pas trompés.

Je ne peux vous conseiller qu'une chose: vous le procurer ou attendre sa traduction qui verra le jour, espérons-le, un jour...

dimanche 29 juillet 2012

L'orteil d'Apollon, de Martine Joubert (Célestine)

Elle m'a bien eue, Célestine! C'était il y a quelques mois, un de ces soirs de printemps qui n'en est pas vraiment un. Calée dans mon fauteuil, j'ouvre fébrilement son roman, ce bébé dont elle nous parle depuis si longtemps et qui n'en finit plus de venir. Enfin il est là, sentant bon l'encre et le papier. L'orteil d'Apollon! Je lis les premières lignes et le livre me tombe des mains: c'est quoi ce style? Ben alors, Cel, que nous fais-tu là? Où est ta plume riche et enlevée, poétique et drôle? On dirait un roman de gare... Interloquée, je recommence la lecture des premières pages, mais n'en démords pas, ce n'est pas la Cel que je connais qui a rédigé ces lignes.
C'est qu'elle m'a bien eue, notre Célestine: ce n'est pas elle qui écrit mais son héros, un écrivain de bas étage qui rêve de publier THE roman OF THE YEAR. Entre canettes qu'il affone et mégots écrasés, son histoire est poussive... Mais pas tant que ça finalement. Alternant avec brio le style de l'écrivaillon et celui du narrateur, le héros et ses héros vont prendre vie sous les plumes et les imaginaires respectifs. L'histoire rebondit, les personnages prennent chair et sont confondant de vérité. On s'y attache, on les engueule, on s'attendrit, bref, une histoire réussie qui devrait se trouver dans toutes les valises cet été. A lire, où que vous soyez, au bord d'une piscine ou au sommet d'une montagne et à recommander bien sûr: c'est une valeur sûre et une promesse de bon temps! A quand le suivant?

lundi 11 juin 2012

Contre-jour

Contre-jour à Saint-Jean-de-luz, Pierre Boyer
Nous sommes nécessaires mais n'entendons cette nécessité que par intermittence, quand notre heure devient urgence. Comment devancer l'urgence et être attentif à l'autre avant son appel, qu'il se mue en cri ou s'atténue jusqu'à devenir muet? A défaut de lire ses yeux, saura-t-il nous dire? Saurons-nous soulever le contre-jour qui nous maintient dans le trompeur clair-obscur, masquant les courbes sensuelles mais tranchantes de la douleur? sentirons-nous l'odeur de angoisse comme la nôtre aura été démasquée, malgré notre silence, malgré notre sourire tout en larmes camouflées? L'amitié est notre respiration et nous maintiendra tant qu'on la nourrira de pensées, de prières et de petites attentions aussi.





dimanche 1 avril 2012

Heureux qui comme Ulysse...

Le retour d'Ulysse de Chirico

Nombreux furent les voyages. Les pieds ailés, le nez au vent et la tête ébouriffée de sourires repeuplant la terre. Pourtant que de nouvelles pourries, d'attentes, de prières, d'espoir, oui, d'espoir, celui qui fait vivre et maintient le nez et la bouche au-dessus du niveau critique, celui qui fait qu'on vole ou qu'on coule comme une brique imbibée de toute la merde qu'on y a agglutinée afin qu'elle colle un peu plus à l'amalgame fangeux de la médiocrité. Mais les pieds se sont désenglués, le regard s'est enfoncé dans les coeurs si proches et si lointains à la fois, redécouvrant leurs caresses et leurs richesses.

Chenapan est guéri. Définitivement, radicalement délivré des séjours dans les hôpitaux, des contrôles et des perf'. Ecartée, la dame à la faux, exit les larmes refoulées, bonjour la vie, bienvenue la lumière, c'est le printemps et notre fils est vivant!
Lorsqu'il apprit la nouvelle, un petit garçon, le crâne ravagé de cicatrices, lui sourit. Son père échangea un regard triste avec Amaury qui fut presque honteux de s'en sortir à si bon compte.

C'est le printemps! Notre aîné est accepté dans l'école secondaire de notre choix. Celle dont nous espérons qu'elle en fera un homme, un vrai, bien dans sa tête et ses baskets, ouvert au monde et aux autres, curieux et généreux, travailleur et meneur, aimant rire et prier, notre Grand.

Le soleil nous sourit et notre fille l'accompagne en chantant, son grand coeur toujours ouvert à celui qui a froid et a perdu la lumière, celle du soleil.

Et nous avançons, tantôt volant, tantôt rampant, le regard vissé sur cet essentiel que nous tentons de saisir et nous laisse peu de temps pour vous lire, amis.

mardi 31 janvier 2012

Si j'étais peintre... "If I were a painter" Norah Jones

Si j'étais peintre, ah! si j'étais danseur ou musicien,
je raconterais si bien...
Mais je ne possède que quelques pauvres mots
qui virevoltent autour du silence,
fredonnent la lumière
et ébauchent un semblant d'amour.




If I were a painter
I would paint my reverie
If that's the only way for you to be with me

We'd be there together
Just like we used to be
Undertneath the swirling skies for all to see

And I'm dreaming of a place
Where I could see your face
And I think my brush would take me there
But only...

If I were a painter
And could paint a memory
I'd climb inside the swirling skies to be with you
I'd climb inside the skies to be with you

And I'm dreaming of a place
Where I could see your face
And I think my brush would take me there
But only...

If I were a painter
And could paint a memory
I'd climb inside the swirling skies to be with you
I'd climb inside the skies to be with you

lundi 23 janvier 2012

"Deux petits pas sur le sable mouillé" d'Anne-Dauphine Julliand

http://www.deuxpetitspas.com/
Anne-Dauphine, jeune journaliste parisienne, est enceinte de son troisième enfant lorsqu'elle se rend compte que sa fille a une démarche un peu particulière, le pied recroquevillé vers l'intérieur.
Une batterie d'examens plus tard, son mari et elle-même apprennent que leur fille souffre d'une maladie orpheline au nom barbare et synonyme d'une dégénérescence irrémédiable du système nerveux. Elle n'en a plus que pour quelques mois à vivre. Le bébé à venir a une chance sur quatre d'être atteint du même mal. Pas de chance, leur cas échappe aux statistiques : le bébé est lui aussi touché par la maladie.
Ce sera le commencement d'un intense combat d'amour : chimio et greffe de la moelle osseuse pour le nouveau-né, accompagnement de Thaïs qui perd ses sens un à un, mais gagne en amour et en humour à mesure que son état se dégrade. La grande force de ses parents réside dans leur capacité à vivre intensément le moment présent, à donner un concentré d'amour à leur fille qui ne pourra en bénéficier longtemps. C'est le moyen qu'ils ont trouvé pour survivre à la mort, surtout ne pas se projeter dans un avenir insupportable mais avancer pas à pas, jour après jour, en compagnie de leur aîné qui a cinq ans et de leurs deux filles malades.
Leur courage est contagieux et c'est toute une chaîne de solidarité qui se crée au contact de leur rayonnante humilité: ils ont dû apprendre à demander, accepter de ne pouvoir gérer seuls, se détacher pour mieux se centrer.
Ce livre est merveilleusement écrit, racontant simplement les souffrances, les découragements et les acceptations, le dépassement et l'amour, sans ostentation ni narcissisme.
Comment ne pas être émue en accompagnant chacun des héros de cette histoire toute simple qui pourrait nous arriver? Comment ne pas revivre les peurs que nous avons tous connu pour l'un ou l'autre des nôtres? Ah, ces sanglots qui remontent et nous secouent bien malgré nous.
Notre Chenapan, qui partage le prénom et l'âge de leur aîné, va bien pour le moment, même si les médecins ne veulent pas encore le considérer comme guéri. Il est même en pleine forme, après nous avoir fait si peur. Lorsqu'aux urgences, vous êtes pris en charge dans les minutes qui suivent votre arrivée et que l'assistant est suivi par le médecin de garde qui s'entoure rapidement du professeur et du chef d'unité, vous savez que c'est grave. Le coeur serré, je priais pour que ce ne soit pas... vous savez? ce à quoi ils pensent aussi et qui se lit dans leurs yeux. Non, ce ne sera pas la leucémie dont il présentait plusieurs symptômes. A partir de là, j'ai vécu sa maladie comme une succession de soulagements, au contraire d'Amaury qui redoutait chaque rechute pouvant lui être fatale. Une amie blogueuse dont le fils a souffert de la même maladie a eu la générosité de partager son expérience de maman avec moi. Je lui en suis infiniment reconnaissante, elle ne mesure pas à quel point son témoignage m'a éclairée sur bien des points que les médecins et les hôpitaux ne pensent pas à expliquer.

"Oui, l'amour à cette faculté unique d'inverser les courants, de transformer la faiblesse en force. Privée de ses sens et dépendante physiquement, Thaïs ne peut pas grand-chose sans une aide extérieure. Elle pourrait exiger beaucoup. Pourtant elle n'attend de nous que ce que nous pouvons lui offrir. Rien de plus.
On pense communément qu'une existence diminuée et meurtrie est difficilement acceptable. c'est sans doute vrai. Quand on n'a pas l'amour. ce qui est insoutenable, c'est le vide d'amour. Quand on aime et que l'on est aimé en retour, on supporte tout. Même la douleur. Même la souffrance." (p. 221)


jeudi 12 janvier 2012

Aujourd'hui



oeuvre du talentueux Dam
 C'est curieux cette course contre la montre des heures durant, le sourire aux lèvres, surtout ne pas montrer que l'on est, une fois encore, dérangée alors que les dossiers, les demandes et les exigences de la nouvelle législation s'empilent désespérément... et puis, le silence.

Soudainement, Chenapan le hurleur s'endort à table alors que je cherche le grand à son cours de self-défense (j'ai été bien inspirée de donner au premier le bain à 17H00 et le dîner dans la foulée). Bien inspirée d'encourager les deux autres à suivre le rythme: Pitchounette est montée afin de lire la fin de son livre et notre grand assemble les pièces d'un mécano reçu à l'occasion de son anniversaire (le même jour que Myo, si, si). J'attends Amaury tout en rassemblant mes esprits et pianotant ces quelques mots.

Hier, nous avons visité les studios de la RTBF à l'occasion de l'anniversaire de notre aîné: quel bonheur de contempler tous ces jeunes pré ados attentifs, passionnés par l'envers du décor, les présentateurs, les caméras et les spots, les studios. A leur grand amusement, ils ont été filmés et tout excités, se sont découverts à l'écran. Ils ont eu la chance d'assister aux répétitions d'une émission qui passait le soir même et que, de retour à la maison, nous avons pu visionner avec eux. Alors que ce sont déjà des habitués des bowling et paint-ball, leur enthousiasme nous a fait chaud au coeur. Nous avons terminé sur les rotules, mais heureux.

Sous antibiotiques depuis deux jours, malade mais toujours là, de pied ferme!

Conséquence d'une conversation, découvrir que tous les repères s'effondrent en quelques secondes, château de carte soufflé par une bombe imprévisible. Abattue, se relever en s'appuyant chancelante sur l'autre qui est bien là, trouver le courage de parler afin de comprendre, dénicher l'erreur et reconstruire à mains nues un nouvel édifice plus approprié sur les fondations du premier.

Between or in between, pourquoi "in between" me poursuit-il ces derniers jours? Aimantée par ce juste milieu, équilibre parfait des syllabes et de leur signification.


Aspirer à plus de disponibilité pour tant de choses importantes. Envie de passer du temps avec vous. Douce soirée.

lundi 2 janvier 2012

Miroir et image


photo de Dam encore une fois.

Vous est-il arrivé de dire l'inverse de ce que vous pensez? De ne rien comprendre à une situation et puis, soudainement, de saisir que vous êtes totalement à côté de la plaque? D'aimer et de dire le contraire, de comprendre et de transmettre qu'il n'en est rien, d'assimiler que les mots sont des traîtres et que vous souhaitez les étrangler, les rattraper, les étouffer mais trop tard, ils ont été envoyés... Ah les mots, les mots qui sont nos amis et se révèlent les plus déloyaux lorqu'ils échappent à notre contrôle.
Comment réparer? Comment faire comprendre qu'on a saisi, compris, sans paroles, c'était si évident qu'on ne l'a pas vu, on est nul, si vous saviez, envie de pleurer devant tant de misère et de douleur, celle des autres et puis la nôtre aussi tellement désespérante. Est-il possible de rattraper la nullité? Oui, il s'agit bien de nullité. Bien pensante, mais on s'en fout, c'est nul. Et on est malheureux de ne pouvoir dire qu'on a compris, qu'on est là et qu'on doit effacer tout le reste. Mais qui est-on pour dire qu'on "doit"... désespoir... vieillesse de pensée et du regard, aidez-nous!