lundi 3 janvier 2011

Petit latin et autre baratin


Jacques bodoin - la table de multiplication

Premier jour au Lycée XXX :"Salut, je m'appelle Delphine et toi?"
-Bonjour, moi c'est Marie.

Elle me vouvoie, comme le font la plupart des étudiants lorsqu'ils ne vous connaissent pas. Pfouit, drôlement intimidant alors que chez nous on est immédiatement à tu et à toi.
Au fil de la discussion, elle m'apprend que sa mère est danseuse et son père comédien.
Pourquoi, mais pourquoi cet aveu? Chaque fois que je la croise, la panse de brebis farcie danse devant mes yeux et les tables résonnent à mes oreilles. Misère... Elle m'a accompagnée une année ainsi qu'une vingtaine d'autres hypôkhagneux! Je m'étonnais de les voir bosser aussi dur, dormant 5 à 6 heures par nuit.
La prof de latin était merveilleuse. Un peu caractérielle, mais d'une grande humanité pour chacun de ses étudiants. J'ai encore arpenté les couloirs de certaines expos en sa compagnie; nous dissertions sur la création, aussi pénible qu'un accouchement, disait-elle, j'ai su après qu'elle avait presque raison. La prof d'anglais, vieille fille coupée au bol, roulait les "r" et revendiquait son appartenance au groupe très sélect des MIF! Les MIF? Mais bien sûr, les Milk in first! Elle nous familiarisa avec Joyce, Virginia Woolf et tant d'autres. Celle de philo avait le regard dur, un pli amer au creux des lèvres,  regrettant sans doute l'heure de gloire du communisme français. Nos lectures étaient en conséquence... Aucun souvenir du prof d'histoire, mais bien de son cours: 2ème moitié du 19ème, auquel j'ai à nouveau eu droit en licence. Et ils s'étonnaient que je connaisse si bien la matière... Mais surtout, écorchant nos oreilles, la voix stridente de la prof de français alors qu'elle imite Balzac essayant les mots dans son gueuloir. Elle sait prendre un ton et des gestes dramatiques, balaie avec superbe et en quelques heures la littérature française de ses balbutiements à sa déchéance post-moderniste. Comme elle nous les a fait aimer, ces auteurs et ces livres, alors qu'à ses yeux nous sommes tous des incultes, des ignares qui n'avons rien lus et tenez, une liste de cinquante titres à lire sans faute, et pan, une autre encore plus vitale! Allez, lisez, lisez, lisez celui-là aussi, et cet autre, lisez encore et toujours! Commeeeent? Vous ne connaissez pas? Comment osez-vous vous asseoir sur ces bancs? Son verbe et son emphase nous passionnent, ses cris nous alarment. De géographie et d'allemand, nada, néant, vide absolu.
En résumé, une année dense, très dense, un apprentissage extraordinaire, des copines sur le long terme, un lycée et une école de vie.
La khâgne par contre fut une histoire toute différente.
Je vous la raconterai peut-être un autre jour... En attendant, profitez de cet enregistrement délectable!

10 commentaires:

  1. J'ai comme une impression de déjà connu...Mais hélas, les bons amis de fac se sont évanouis dans la nature, à moins que ce soit l'inverse.

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  2. Fort jolie évocation de souvenirs d'étudiante..Ah ce que j'aurais aimé être en hypokhâgne avec toi!Toute cette galerie de professeurs plus vrais que nature! On a beau dire, les études, ça crée des souvenirs pour toute une vie.
    Cela dit, aussi pénible qu'un accouchement...certainement si l'on considère que les écrivains appellent toujours leur dernier opus "mon bébé"...mais il faut raison garder,ça fait quand même très mal, un vrai accouchement! LOL
    Bonne journée Delphinette et merci pour ta très belle carte-photo que j'ai reçue hier.
    Bises
    Celestine

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  3. Damien: la période des études, quelles qu'elles soient, est toujours merveilleuse. On a le monde devant soi et on peut rêver à tout ce qu'on fera pour l'améliorer! Tu t'évanouis dans la nature, toi?

    Cel: Je crois qu'on aurait passé un très très bon moment; c'était une classe très sympa, malgré ton absence... Tu connaissais Jacques Bodoin? Sa fille Marie lui ressemblait beaucoup. Je trouve qu'il a quelques sketchs réellement excellents, mais je n'arrive plus à mettre la main dessus. Bon week-end et bonne rentrée!

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  4. Personnellement, j'ai bien aimé mes études primaires et secondaires, et pas du tout mes études supérieures car il y avait une mauvaise ambiance et beaucoup de rivalité entre nous. A 21 ans, je travaillais et je n'ai jamais regretté d'avoir quitté l'école...enfin façon de parler (Delphine comprendra).

    Est-ce qu'il y a un prof qui m'a marqué? Oui, Mr Evrard, mon prof d'histoire en 4ème, 5ème et 6ème secondaires. Son cours était un réel plaisir pour le passionné d'histoire que j'étais (par contre, les maths et sciences, bof bof). Je me rappelle qu'à un examen oral, j'ai tiré une question sur le système fédéral belge, ce que je comprenais bien car je suivais déjà beaucoup l'actualité à cette époque. Il m'a dit : "Tu devrais faire le journalisme ou les sciences politiques". Je n'ai pas suivi son conseil, mais il n'était pas très loin de ce que je fais aujourd'hui durant mes temps libres...

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  5. PB: c'est moche de connaître une mauvaise ambiance, j'ai connu ça en khâgne. Ce sont des années difficiles mais très belles si on se serre les coudes. C'est vrai que tu aurais fait un excellent journaliste, mais les débouchés ne sont pas évidents... Enfin tu conjugues beaucoup d'activités aujourd'hui qui te permettent de mettre tes talents en avant. Bravo.

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  6. J'en rêve encore...
    Math

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  7. Je comprends ça ;-) En ce qui me concerne, je les revis en faisant réciter mes enfants. les plus difficiles, celles de 7 et de 8, non?
    A très bientôt, cher Math

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  8. assiduus usus uni rei deditus et ingenium et artem saepe vincit. Tu avais de la chance d'avoir des profs qui s'intéressaient à former leurs étudiants. Aux Etats-Unis l'éducation n'est pas « lire, lire, lire », c'est gagner de l'argent... Ici, il faut apprendre un peu de latin tout seul. Mais quand même, il y a toujours du temps pour lire.

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  9. Go: bravo pour ton auto-apprentissage!Ici, faut pas rêver quand même, les profs nous préparaient à un concours (qui ne m'intéressait d'ailleurs absolument pas, ne souhaitant pas faire carrière dans la fonction publique en France) avec les dérives que cela entraîne: pages de dictionnaires arrachées -afin qu'on ne trouve pas les infos pour traiter de la prochaine dissertation en français ou en philo, suspicions etc etc. Mais la première année fut un pur bonheur, la culture générale étant sans cesse mise à l'honneur! Et comme tu dis, il y a toujours du temps pour lire.

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  10. Je viens te voir et à nouveau bien rire avec le merveilleux Jacques Bodoin aux multiples talents ! Cela fait trois fois que je viens pour rire !
    Gros bisous Delphine et à bientôt !
    Florence

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