lundi 23 janvier 2012

"Deux petits pas sur le sable mouillé" d'Anne-Dauphine Julliand

http://www.deuxpetitspas.com/
Anne-Dauphine, jeune journaliste parisienne, est enceinte de son troisième enfant lorsqu'elle se rend compte que sa fille a une démarche un peu particulière, le pied recroquevillé vers l'intérieur.
Une batterie d'examens plus tard, son mari et elle-même apprennent que leur fille souffre d'une maladie orpheline au nom barbare et synonyme d'une dégénérescence irrémédiable du système nerveux. Elle n'en a plus que pour quelques mois à vivre. Le bébé à venir a une chance sur quatre d'être atteint du même mal. Pas de chance, leur cas échappe aux statistiques : le bébé est lui aussi touché par la maladie.
Ce sera le commencement d'un intense combat d'amour : chimio et greffe de la moelle osseuse pour le nouveau-né, accompagnement de Thaïs qui perd ses sens un à un, mais gagne en amour et en humour à mesure que son état se dégrade. La grande force de ses parents réside dans leur capacité à vivre intensément le moment présent, à donner un concentré d'amour à leur fille qui ne pourra en bénéficier longtemps. C'est le moyen qu'ils ont trouvé pour survivre à la mort, surtout ne pas se projeter dans un avenir insupportable mais avancer pas à pas, jour après jour, en compagnie de leur aîné qui a cinq ans et de leurs deux filles malades.
Leur courage est contagieux et c'est toute une chaîne de solidarité qui se crée au contact de leur rayonnante humilité: ils ont dû apprendre à demander, accepter de ne pouvoir gérer seuls, se détacher pour mieux se centrer.
Ce livre est merveilleusement écrit, racontant simplement les souffrances, les découragements et les acceptations, le dépassement et l'amour, sans ostentation ni narcissisme.
Comment ne pas être émue en accompagnant chacun des héros de cette histoire toute simple qui pourrait nous arriver? Comment ne pas revivre les peurs que nous avons tous connu pour l'un ou l'autre des nôtres? Ah, ces sanglots qui remontent et nous secouent bien malgré nous.
Notre Chenapan, qui partage le prénom et l'âge de leur aîné, va bien pour le moment, même si les médecins ne veulent pas encore le considérer comme guéri. Il est même en pleine forme, après nous avoir fait si peur. Lorsqu'aux urgences, vous êtes pris en charge dans les minutes qui suivent votre arrivée et que l'assistant est suivi par le médecin de garde qui s'entoure rapidement du professeur et du chef d'unité, vous savez que c'est grave. Le coeur serré, je priais pour que ce ne soit pas... vous savez? ce à quoi ils pensent aussi et qui se lit dans leurs yeux. Non, ce ne sera pas la leucémie dont il présentait plusieurs symptômes. A partir de là, j'ai vécu sa maladie comme une succession de soulagements, au contraire d'Amaury qui redoutait chaque rechute pouvant lui être fatale. Une amie blogueuse dont le fils a souffert de la même maladie a eu la générosité de partager son expérience de maman avec moi. Je lui en suis infiniment reconnaissante, elle ne mesure pas à quel point son témoignage m'a éclairée sur bien des points que les médecins et les hôpitaux ne pensent pas à expliquer.

"Oui, l'amour à cette faculté unique d'inverser les courants, de transformer la faiblesse en force. Privée de ses sens et dépendante physiquement, Thaïs ne peut pas grand-chose sans une aide extérieure. Elle pourrait exiger beaucoup. Pourtant elle n'attend de nous que ce que nous pouvons lui offrir. Rien de plus.
On pense communément qu'une existence diminuée et meurtrie est difficilement acceptable. c'est sans doute vrai. Quand on n'a pas l'amour. ce qui est insoutenable, c'est le vide d'amour. Quand on aime et que l'on est aimé en retour, on supporte tout. Même la douleur. Même la souffrance." (p. 221)


26 commentaires:

  1. Bénis sont ceux qui passent outre ces épreuves durant l'enfance de leurs enfants. On fait partie de ceux qui "savent" combien ténu est le fil de la vie de ceux qu'on aime, notre chair.. Gout amer, et envie d'humanité encore plus densément, pour ne pas perdre de temps... Pensées

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  2. C'est une épreuve terrible , celle de voir souffrir son enfant. On voudrait donner sa chair en échange, et endurer, et endosser à sa place. Et les livres nés de cette souffrance sont souvent sublimes, comme si le malheur se transcendait dans l'écriture. Merci pour ce partage, merci de nous rassurer aussi sur la santé de ton petit Chenapan. Le ciel de janvier brille d'un éclat plus vif soudain.Mille baisers♥♥♥

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  3. Bonsoir et merci de nous faire partager ce livre. Le mystère de la souffrance reste pour moi la plus grande interrogation. Quel que soit celui ou celle qu'elle frappe. Je suis souvent impressionné par la force d'âme de ceux qui entourent de telles blessures.
    Amicalement

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  4. Ella: J'ai pensé à toi en écrivant ce billet, à toi et ta souffrance et ton amour de mère. Courage, Ella, l'amour donné n'est jamais perdu! Douces pensées.

    Cel: je ne peux que t'encourager à lire ce livre qui est un petit bijou! Merci pour tes gentilles paroles.

    Jacques: la souffrance est un mystère comme le courage de nos enfants qui l'affrontent le sourire aux lèvres, un exemple pour les parents que nous sommes.

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  5. Son histoire m'avait touché, javais trouvé cette maman formidable lors de ce reportage, voici le lien
    http://www.youtube.com/watch?v=VA5Hq6Owqd4&feature=related
    J'espère que ça fonctionne :o)
    Anne86

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  6. très touchée par ce que tu écris sur ce témoignage...
    la souffrance des petits est un vrai problème pour moi, elle ne s'explique pas
    Elle peut simplement se vivre comme tu le dis si bien... dans le plus d'amour possible
    Contente d'apprendre que ton petit bonhomme va bien!!

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  7. Chenapan en pleine forme? Rien ne peut plus me réjouir tu sais!
    Un beso.

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  8. Anne: merci pour ton passage ici. Je pensais qu'Azylis était entièrement guérie suite à cette greffe pénible. Je suis désolée de lire qu'il n'en est rien, mais soulagée de voir que le courage continue à habiter ses proches. A bientôt.

    Coum: toi qui a été tant de fois mère, comment ne pas te questionner sur la souffrances des petits? Mais de l'amour pour les tiens, tu en as à revendre, alors je sais que mère ou grand-mère, tu seras toujours prête à les aimer dans les moments les plus intenses. Je pense souvent à toi dans ta vie au regard nouveau. Je t'embrasse

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  9. Colo: très fatigué, mais guéri, moi j'y crois. Nous avons de la chance. Besos

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  10. La maladie et les souffrances d'un enfant sont absolument insoutenables. Lire ce texte et les commentaires me bouleversent, moi qui ai eu la chance de ne pas connaître ces inquiétudes et ces souffrances avec mes deux enfants. Quel courage, quelle force de caractère il faut avoir pour les surmonter ! Je pense que la foi peut beaucoup aider dans des cas pareils.Et aussi l'entraide, l'amour autour de soi, en soi.

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  11. Ton article me fait penser à un couple d'amis qui étaient tous deux porteurs de la mucoviscidose sans le savoir. Leur petite fille de 10 ans paraît en bonne santé, mais elle a besoin de minimum 3 séances de kiné respiratoire par semaine (et parfois tous les jours). L'espérance de vie tourne autour des 25-30 ans jusqu'à présent.

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  12. Armelle: il est vrai que la souffrance de notre chair est insupportable bien que nous soyons aidés par leur exemple fait de joie et d'optimisme. Ils acquièrent une densité et une sensibilité qui les enrichit certainement. On s'en passerait mais bon, on n'a pas le choix de toute façon. Et puis, quand on est confronté à la maladie, on puise dans des ressources de courage insoupçonnées.

    PB: comme je lui souhaite de profiter de ces quelques années de vie qu'elle a devant elle, et comme j'encourage ses parents à découvrir avec elle le sens de sa vie et de l'amour! Toute maladie est insoutenable... ou pas.. comme l'écrit si bien Anne-Dauphine qui le vit deux fois dans sa chair.

    Damien: J'y crois!

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  13. ça remet les pendules à l'heure tout cela... je suis toujours impressionnée par le courage et les forces que l'on peut trouver dans ces épreuves parce que l'instinct de vie est là...
    bises Delphine.

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  14. Merci Delphine d'avoir partagé cette lecture avec nous. Comment ne pas être émue à la découverte de ce courage et de cet amour si plein. Vivre chaque jour intensément et rempli d'amour, rien n'est plus important.

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  15. Mon amie Jane a deux enfants sur trois qui souffrent d'une maladie de ce genre mais qui s'est révélé plus tard. Je vais les voir bientôt à Londres où ils vivent

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  16. Des moments d'espérance puis tout à coup on a envie de baisser les bras, parce que tout ça est lourd à gérer mais l'amour qu'on a pour ce petit être est plus fort et on se bat encore et encore.
    je n'ai pas lu ce livre, mais ce que tu écris " ne pas se projeter, mais avancer à petits pas chaque jour...." est vrai.
    Ces parents sont formidables, quelle force il leur faut pour affronter de tels évènements.
    Les enfants sont très forts devantla maladie, un exemple à suivre

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  17. Pour répondre à ta question sur le premier roman de Charles d'Huart : non, je ne l'ai pas encore lu. Passe un bon week-end.

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  18. Chère Delphine,

    Merci pour ce partage, bouleversant et tant mieux pour la santé de ton garçon qui va mieux.
    Je suis très touchée par la dernière citation du livre. Pour avoir vécu moi-même enfant ce contexte de la maladie (elle sombra dans la folie à 15 ans) de ma soeur. Ce qui fut insupportable en effet fut, non pas la maladie, mais le regard porté sur elle, la manière désastreuse dont elle fut vécue ... et le vide d'amour de la mère, incommensurable, qui me rapprocha alors du néant.
    Doux dimanche

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  19. Sarah: je crois que l'on s'habitue à vivre dans un contexte différent,mais lorsque l'on retrouve un rythme normal, on se rend compte de ce par quoi l'on est passé...

    Cédric: merci pour ton passage et à bientôt, ici ou ailleurs!

    Myo: oui, remplir ses journées et les faire craquer d'amour...

    Marie-Madeleine: j'espère qu'ils ont des chances de s'en sortir, pauvres choux. Embrasse-les pour moi, tu veux bien et envoie leur plein de mots d'espérance?

    Marie-Camille: si tu vas sur son site (lien en-dessous de la photo de couverture) tu découvriras plusieurs interviews d'Anne-Dauphine: elle laisse sans voix. Je ne peux que t'encourager à le lire, ce n'est pas une histoire triste mais une histoire riche en messages d'espoir et d'amour (bon, c'est vrai que les écluses lâchent de temps à autre, mais c'est sans doute parce que, dans mon cas, elles n'ont pas cédé pour notre Chenapan..)

    PB: merci pour ton retour, je vais essayer de le trouver.

    Zénondelle: merci de partager ici cette expérience si douloureuse. J'espère que ta soeur est en de bonnes mains et qu'elle ne souffre pas trop. Tu me donneras des nouvelles? La maladie, surtout mentale, est réellement difficile à comprendre car le fonctionnement des malades sort de nos standards et nous désarçonne ou parfois nous choque. C'est dommage, car ce sont des personnes inconscientes de leurs actes et en souffrance. Je t'embrasse.

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  20. Mais quelle époque merveilleuse quand même que celle-ci qui permet que l'on parle, partage, vive en plein jour les souffrances qu'autrefois on tenait secrètes pour "ne pas gêner les autres avec nos ennuis". L'amour généré par ce partage est sans prix, le courage qu'on peut en retirer est illimité.

    Merci de parler de ce beau livre, et merci de te détendre au sujet de Chenapan...

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  21. Un petit coucou pour te souhaiter une bonne semaine. A bientôt.

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  22. Edmée: Tu as raison, le fait de pouvoir en parler, échanger, s'inspirer et apprendre représente une avancée extraordinaire dans notre fonctionnement.

    PB: merci, à toi aussi une belle semaine, froide mais bleue et blanche!

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  23. Votre article est très touchant et je suis bien d'accord avec l'extrait du livre que vous avez cité. Je vais le lire, d'ailleurs.
    Quand on entre dans le "monde de la maladie", qu'on sait irréversible, on apprend, oui c'est bizarre, à vivre vraiment....
    Bon dimanche.

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  24. Bonheur du jour: ravie que vous le lisiez,je suis certaine que vous ne serez pas déçue, vous qui avez le regard si positif. Ce sont ces riens qui font tout, en fin de compte. On va irrémédiablement à l'essentiel en effet.

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