jeudi 31 décembre 2009

Le roman qu'elle n'écrirait jamais à la troisième personne

Jamais. Elle n’écrirait.
A la troisième personne.
Elle n’écrirait jamais de roman. Elle n’écrirait jamais à la troisième personne.
Ecrire est un souffle vital qui l’habite depuis toujours, comme ce poème qu’elle écrivit dans une autre vie, lorsqu’elle n’était personne, pas même la troisième.
Elle écrit comme on regarde une toile, comme on entend le rythme des sabots les doigts qui pianotent les dents qui claquent, comme on assemble les mots pour leur couleur et leur saveur. Elle avait été une ombre et n’était plus personne. Elle s’en alla loin, au pays des Grands et du soleil dur, de l’ascèse et de la bonne chaire, du devoir et du lendemain.
Elle n’était personne jusqu’à sa venue. Elle appréciait leurs discussions où les idées antagonistes s’entrechoquaient dans les éclats de rires. Elle écoutait ses enseignements, tentait de se concentrer sur de nouvelles lectures, enveloppée par sa sollicitude, portée par sa bienveillance. Lentement, elle se mit à écrire. Ecartant les poncifs redondants, elle délia langue et plume et endossa la troisième personne.
Elle décida alors de s’en aller, de quitter ce pays où elle avait appris l’amitié et la beauté. De troisième elle était devenue personne à part entière. Elle souhaitait écrire un roman mais ne l’écrirait jamais à la troisième personne.
Elle devint la deuxième personne pour l’autre.
Ecrire c’est accoucher, lui avait-on dit.
Elle enfanta non pas un roman mais la chair de sa chair. Elle enfanta trois fois. Elle était la première et la deuxième personne à la fois. Et il vit qu’elle était heureuse.
Le jardin est dévasté mais n’est nullement le reflet de nos humeurs. Dans une ambiance recueillie, nous communions à un même bonheur tranquille, loin des tensions et des disputes qui trop souvent envahissent nos murs, occasionnées par la fatigue et le trop plein de travail qui puise toujours plus d’énergie. La lumière tamisée traduit notre sérénité. Une plus grande présence s’est peu à peu installée au cœur de notre foyer. Cependant, un peu de mélancolie vient parfois m’habiter, lorsqu’un sentiment de solitude m’envahit, malgré tout ce que j’ai reçu, malgré la force qui m’habite et me fait aller de l’avant, confiante, sûre que tout est bien.
Je ne sais pas raconter les autres. Je ne sais parler que de ce que je connais.
Et je me souviens. Je me souviens de cette petite fille qui dès l'aube, réveillée par le bêlement des moutons et le croassement des grenouilles, s’habillait à la hâte et vêtue de son seul short et de claquettes aux semelles de bois, courait torse nu dans l’herbe haute. Elle retrouvait ses arbres et ses fleurs, connaissait leur nom et leur vertu. Puis elle se réfugiait dans leurs bras ou sur le toit pour retrouver ses héros de papier.
Cette petite fille aura quarante ans dans quelques heures. Si jeune et si âgée déjà, la fin et le commencement…

Photos empruntées à "voir ou regarder", avec toute mon admiration et mes remerciements.

14 commentaires:

  1. Delphine, tu termines 2009 en beauté avec ce très beau texte... Tu as vraiment du talent. C'est bizarre comme impression mais j'ai l'impression de vous connaître, Amaury et toi, depuis longtemps alors que j'ai fait votre connaissance virtuelle depuis seulement six mois et ne vous ai jamais rencontrés. Je te souhaite un joyeux anniversaire. Cela ne m'étonne pas trop que tu sois une Capricorne (je suis né le 2 janvier...). Ne te pose pas trop de questions sur le passage du cap de la quarantaine mais savoure chaque moment de bonheur du présent (je te conseille le livre "Célébration du quotidien" de Colette Nys-Mazure).
    Meilleurs voeux pour 2010!

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  2. Je suis juste de passage qqs heures chez moi et j'en profite pour voir chez les autres... je suis très touchée par ton/tes texte(s). L'approche de l'an neuf est-il propice aux bilans ? Est-ce la perspective de la quarantaine ? Toujours est-il que tu as en toi de quoi rebondir, trouver équilibre et sérénité à long terme, même si pour cela ton chemin doit être tortueux et imprévisible/imprévu. Plus prosaïquement, je suppute que l'hiver, le manque de lumière, le ralentissement du métabolisme, la fatigue etc. ajoutent au coup de mou...
    En tous cas, pour l'année nouvelle (l'année civile et la tienne personnelle) je te souhaite de jolies choses, toutes celles que tu te souhaites secrètement à toi-même. je te souhaite de conserver ta force et ta douceur, ton oeil attendri sur le monde et cet amour des autres qui nous touche tant à travers ton blog. Et reçoit notre affection sincère en retour.
    Take care. Ou Carpe Diem, comme tu préfères ;-)

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  3. Petit Belge, merci pour ton gentil message. Six mois passent réellement très vite surtout lorsqu'il s'agit d'un blog et de l'intensité que cela représente :-)
    Le 2 janvier? Alors, je te souhaite déjà avec un tout petit peu d'avance, un magnifique anniversaire! Capricorne, pourquoi ça ne t'étonne pas? Qu'est-ce qui les caractérise à tes yeux? J'ai déjà eu ce livre entre les mains et j'avoue qu'il est très beau. Merci encore.
    FD, tes propos me touchent toujours beaucoup. Merci du fond du coeur. J'espère que tu te reposes réellement et que tu fais le plein de bonne humeur et d'énergie positive pour cette nouvelle année et nouvelle rentrée! Bisous

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  4. La fin n’existe que pour les autres, et le commencement n’est acceptable qu’au pluriel, parce que chaque jour est un recommencement, parce que chaque idée est nouvelle, parce que la vie ne connait pas de limite.
    Très belle soirée pour ton anniversaire, ce n’est pas l’heure, na !!!!!!

    Bisous Math

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  5. ohhhhhh Delphine... quel texte magnifique!!
    Je suis restée scotchée à tes mots (ainsi d'ailleurs qu'à la photo qui l'illustre si bien!)
    Bon anniversaire, chère Delphine
    C'est étrange, je rejoins ce que Petit belge te dit: j'ai l'impression de te connaître depuis longtemps, alors que cela ne fait pas plus de trois mois

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  6. Comme je me retrouve dans ton texte aujourd'hui ! Moi non plus, je n'écrirai jamais à la troisième personne, je n'écrirai jamais de roman, je ne sais parler que de ce que je connais bien, moi. Mais j'ai tant de plaisir à écrire. Très très bel anniversaire demain, passage dizaine comme moi dans 9 jours, jolie Capricorne.
    Et bon anniversaire au Petit Belge aussi :-)

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  7. Quel beau texte pour finir l'année. Comme petit Belge, j'ai aussi l'impression de te connaitre depuis longtemps et comme Myosotis, je me retrouve dans ton texte. Très bel anniversaire ! (D'expèrience je peux t'assurer que le passage à la quarantaine n'est rien, curieusement chez moi, ce fut le passage à 45 ans, bientot 46 en Mars dont je ne me suis toujours pas remise ....).
    Heureuse année dans la sérénité !

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  8. Math, tu as raison, la fin n'existe que pour les autres et il n'y a que des recommencements, merci de me le rappeler! et oui, quand c'est pas encore l'heure, c'est pas l'heure, hein! ALors, je ne te souhaite pas encore d'heureuse année non plus, voilà :-p
    Coumarine, merci pour tes gentils mots qui me touchent beaucoup. Se retrouver grâce à un texte, c'est merveilleux! Moi aussi j'ai l'impression de te connaître depuis des mois et des mois, parce que tes billets sont vrais comme toi. merci pour ça.
    Myosotis, beaucoup de choses nous rapprochent j'en suis persuadée. Encore une Capricorne!! Avec neuf jours d'avance, un magnifique anniversaire (50 si je me rappelle??) et déjà une merveilleuse année!
    ms, rien ne peut me faire plus plaisir, vraiment. J'attends avec impatience le mois de mars pour te soutenir dans cette rude épreuve :-) Courage et heureuse année!

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  9. Un très bon anniversaire pour cette nouvelle décennie. Je viens d'avoir l'âge de Myosotis, si j'ai bien compris et je trouve que ces passages sont toujours porteurs d'espoir. Très belle année, Delphine.

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  10. Chez moi, Delphine, un billet pour ton anniversaire , spécialement pour toi.
    Eh, les filles, finalement, à quelques années près, on a toutes plus ou moins le même âge. Je me dis souvent: si les dames du Moyen-Age revenaient et nous voyaient, serrées dans nos petits jeans et le visage boosté aux acides hyaluroniques et aux anti-radicaux libres, , elles n'en reviendraient pas, elles qui, à notre âge, n'étaient que des vieillardes décaties...
    Bises à tous!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

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  11. Post scriptum
    hé, la bande de capricornes, Coum et moi on est des béliers, attention, nous aussi on a des cornes dures comme du bois!
    oups, je suis complètement bourrée, c'est le réveillon, je dis n'importe quoi, il est 5 heures, Paris dort toujours...allez, je vais me coucher!

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  12. Joyeux anniversaire!!!!
    Bonne année à toi et aux tiens.
    Bisous.
    Math

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  13. Merci Epistyle, de tout coeur! Une magnifique année 2010.
    Célestine, je me disais que tu étais bien matinale, en fait tu es surtout noctambule :-)Merci pour tes commentaires pleins de vie et d'entrain, je file chez toi lire ce billet que tu me dédies, trop d'honneur! Et pour la dureté des cornes, je n'en doute nullement, j'ai vu les dégâts chez mon père qui s'en est pris un de plein fouet!
    gros bisous
    Math, c'est l'heure? Mille mercis et gros bisous

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  14. Ce texte est si beau, Delphine, si vivant et touchant, comme une petite fille qui arrive en courant et soudain s'arrête devant un paysage qui lui coupe le souffle et où elle sait qu'elle peut entrer. Le doute et la joie se font face.

    Si tu n'avais jamais de lassitude, d'angoisse, de doutes, tu n'apprécierais pas autant les envolées de ton âme jolie!

    Il y a toujours tant de lumière dans tes textes, même quand ils parlent de spleen et de pourquois. Suis ta lumière, et tu verras, 40 ans c'est un âge magnifique! Un pied dans l'adolescence tardive, un autre dans l'âge d'une féminité plus complexe. Et la route est gaie!

    Bonne année et glorieux anniversaire (un peu tard, sorry!)

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