mercredi 16 février 2011

"Monsieur Han" de Hwang Sok-Yong

photo empruntée à Voir ou regarder
C’est un goût de sang dans la bouche que j’ai tourné la dernière page de Monsieur Han, de Hwang Sok-Yong. Le sang de ses lèvres éclatées, refusant d’avouer ce qui n’est pas et n’a jamais été, fidèle à lui-même, étrange pantin disloqué, séparé des siens par le 38ème parallèle idéologique et géographique, accusé à tort de corruption, de trahison, désavoué par ses amis alors qu’il n’a qu’une chose en tête et dans le cœur : exercer son métier de médecin au mieux, pour sauver l’homme de la souffrance et de la mort, gagner honnêtement sa vie afin de subvenir aux besoins des sien. « Quand on part, c’est pour vivre ensemble, pas pour mourir ensemble », affirme-t-il à sa femme avant de s'en aller, seul. Tout cela lui sera refusé. Exilé dans son propre pays comme tant d’autres, sa droiture entêtée et proche de la naïveté ne cessera de se heurter aux dimensions les plus viles de l’être humain, sans jamais être entachées par celles-ci. Cette confrontation octroie une dimension tragique à une situation dramatique en soi. La bonté et l’honnêteté ne semblent apporter aucune rédemption, Han sombre peu à peu dans la déchéance, noyant sa solitude et son désenchantement dans l’alcool et les larmes en attendant que la mort vienne le cueillir dans sa misère.
Mais la rédemption, si elle n’est venue de son vivant, n’a-t-elle pas été insufflée à tout un peuple qui s’est maintenu grâce à la force d’âme d’hommes tels que Han ? Le style dépouillé de Hwang Sok-Yong, sa retenue même plongent le lecteur dans l’essentiel de l’homme et de ses sentiments, les pires comme les meilleurs.

« Lorsqu’elle reçut le télégramme annonçant sa mort, elle ne pleura pas. Ce qu’elle avait sous les yeux, c’était moins la mort de son père que la fin d’une époque ».

3 commentaires:

  1. Comme tu parles bien d'un livre que tu as aimé, chère Delphine. Au point qu'on a envie de courir chez le premier libraire du coin...
    Même si je crains que le sujet de celui-ci ne soit trop sombre pour moi, je me risquerai à lire les premières pages, ne serait-ce que pour recevoir un peu de ce souffle rédempteur venu de si loin pour nous transmettre des valeurs universelles...

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  2. Ah non, me voila bon pour rendre encore visite à mon libraire!!!
    sourire
    Bisous
    Math

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  3. Cel: l'auteur est un grand monsieur qui privilégie l'entente et la discussion à la séparation idéologique. Son livre vaut la peine, à lire à petites doses, mais comme son écriture est ramassée et avare de descriptions, tu n'as pas le sentiment qu'il soit malsain ou morbide.

    Math: je pense que tu aimeras, vraiment.

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