mercredi 20 avril 2011

Identité


"Critiquée pour son manque d'efficacité, la Coopération au développement n'a jamais été aussi populaire auprès des jeunes occidentaux ." sous-titrait le journal de ce week-end.
Pourquoi tant de jeunes s'investissent-ils dans des projets de coopération? Et quelle en est l'utilité?
Moi-même, je suis partie à plusieurs reprises travailler dans un dispensaire avec une poignée d'étudiants belges et autochtones. Qu'en ont retiré les gens que nous avons côtoyé? Rien. Ou presque rien. Les vaccins, les consultations, les désinfections, les enseignements n'ont sans doute pas laissé beaucoup de traces. Une goutte d'eau bien vite évaporée. Une goutte d'eau? Mais oui! Maintenant qu'on en parle, je me souviens.
Il était une fois une jeune femme un peu simplette vivant dans le bidonville d'Asunción.Cette jeune femme, m'expliqua sa voisine, recevait de nombreuses visites; de ces visites furtives, où les hommes déboutonnent et reboutonnent leur pantalon. Les hommes étaient de plus en plus nombreux à passer le pas de ce qui lui servait de porte. La jeune femme un peu simplette n'aimait pas ces visites. Malgré le gourdin de la voisine et son oeil vigilant, on ne pouvait les empêcher: la jeune femme un peu simplette n'avait pas été baptisée. Elle n'avait pas été déclarée non plus. Elle n'existait pas. Elle n'était personne. Comme elle n'était personne, les hommes abusaient de la situation et d'elle par la même occasion. C'était évident: elle ne pouvait porter plainte puisqu'elle n'existait pas, disait la voisine. Nous étions suivies d'une nuée d'enfants qui sautaient en piaillaient, tandis que j'essayais de saisir les nuances d'une situation au fond très simple. Je finis par m'en ouvrir à une jeune étudiante en droit de là-bas. En un tour de main, l'étudiante régla la situation: elle accompagna la jeune femme un peu simplette dans les arcanes et les couloirs de l'administration, distribuant papiers et formulaires pour finalement obtenir gain de cause. La jeune femme était devenue quelqu'un. Elle pourrait par la même occasion déclarer son enfant qui serait aussi quelqu'un et ne subirait sans doute pas le même sort, puisqu'il aurait un nom. Un nom dans un registre ou sur un disque dur. C'était aussi simple que cela. Mais il fallait le faire. Se rendre disponible, trouver les solutions, les bonnes personnes et surtout s'intéresser à personne.
Suite à cette aventure, le dispensaire proposa des consultations juridiques deux fois par semaine.
Alors, l'utilité de tous ces projets? On ne la reconnaît pas toujours. Mais j'ai l'intime conviction que les regards échangés, les sourires, les oreilles et les mains tendues, les cadeaux acceptés de part et d'autre seront toujours vecteurs de plus d'humanité.

26 commentaires:

  1. On n'imagine l'importance des petits riens. On n'imagine pas l'importance du regard. Pour rendre aux autres une dignité, une existence. Très très joli billet, Delphine.

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  2. Ton texte est juste et beau. Mais il doit ne pas nous faire oublier que nous pouvons le faire aussi au sein de notre propre famille, de nos proches, de nos voisins à travers juste quelques moments partagés avec eux. Bon week-end de Pâques Delphine.

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  3. L'utilité serait-elle de penser que mon sort vaut autant que le sort d'autrui...

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  4. oui il est de ces petits riens qui sont des presque tout...
    tes mots sont importants, Delphine!

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  5. Pour moi, personne n'est inutile, il reste toujours quelque chose même si c'est minime, une goutte d'eau comme tu écris?

    mais ici ça été plus qu'une goutte.Cette étudiante lui a donné la vie, elle existe aux yeux des administrations, un joli geste de sa part.

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  6. Je me pose aussi des questions au sujet de ces généreuses actions. L'ensemble de ces démarches ne nuit à personne, en aide quelques unes. C'est ce qui compte.

    Je crois que traiter les populations moins nanties avec respect et équité, c'est ce qui pourrait aider le plus de monde. La charité, j'y crois moins. À la limite, cela perpétue certaines injustices.

    En effet, participer à des programmes humanitaires sert aussi à soigner ceux qui s'engagent dans ces mouvements. Ne serait-ce pas une forme de thérapie? Je n'ai rien contre. La même chose se passe au niveau des collectivités qui financent ces actions: elles libèrent leur conscience. Je n'ai rien contre non plus. Et puis, il y a des gens, probablement majoritaires, qui aiment tout simplement aider et partager.

    Bref, l'action bénévole, locale ou internationnale aide des gens, trop peu peut-être mais pour ceux qui bénéficient de ces programmes, aidants et aidés, cela peut changer leur vie.

    Accent Grave

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  7. Enregistrer un enfant à naissance est un acte banal chez nous. En revanche, il ne l'est pas assez dans beaucoup de pays. Du coup, ils passent à la trappe des programmes de vaccinations et des premiers pas à l'école.
    J'ai "aidé" pendant près de 20 ans. Je ne suis pas certain du résultat pour eux comme pour moi. Une chose est sûre toutefois: je suis content de l'avoir fait.

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  8. Juste une goutte d'eau... mais une vie de sauvée. Ces gouttes d'eau valent tout l'or du monde. Alors à chaque fois que l'on peut donner un peu, même un tout petit peu, je pense qu'il ne faut pas hésiter. Et apprendre cela à nos enfants.

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  9. Myo: le regard, qui raconte mieux que les mots. Merci Myo, ces femmes sont belles dans leur dignité.

    PB: merci pour ton message. Tu as raison de rappeler qu'il ne faut pas nécessairement aller loin pour tendre la main. Donner de son temps et écouter est déjà bien difficile.

    Go: bonjour, ravie de te voir ressurgir par ici, même si ton message sybillin me porte à croire que le printemps t'a un peu oublié.

    Coumarine: merci pour tes mots encourageants. Ils me font plaisir, comme tu le sais. TU vois, il suffit de pas grand chose :-)

    Mcamille: tu as raison, l'exemple que j'ai donné est un événement important qui la sauvera -peut-être du pire, elle est son enfant. Mais elle aura malgré tout besoin de protection. Heureusement, l'entraide est grande dans ces zones défavorisées. Un autre élément essentiel est la conscientisation de tous ces jeunes nantis qui découvrent ce qui se passe au-delà du mur d'enceinte qui protège leur villa.. Pourvu qu'ils ne l'oublient pas trop vite: le désir de créer une classe intermédiaire est encore loin de se concrétiser.

    Accent: Comment allez-vous? Un peu surprise de ne pas vous trouver plus cynique, mais je suis ravie de votre conclusion qui me semble excellente. Saviez-vous qu'en Belgique il existe un programme permettant aux jeunes délinquants de coopérer à des projets dans des pays en voie de développement. Il paraît qu'ils en reviennent transformés.

    Damien: Si tu es content de l'avoir fait, c'est que c'était bien. Et puis, cette expérience a fait de toi ce que tu es maintenant et c'est bien aussi, non?

    Epi: tu as raison, mais on ne sait pas vraiment ce qui se passe derrière chaque geste. C'est souvent le plus insignifiant qui redonnera de l'espoir à quelqu'un et on ne le saura pas toujours.

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  10. Je me dis la même chose chaque matin quand j'arrive au centre (j'aide des jeunes en réinsertion sociale et professionnelle depuis plus de dix ans). Je ne me focalise jamais sur les aides non apportées, mais sur les autres, les réussites, grâce aux sourires, à l'écoute et l'empathie, rien d'autre.. C'est aussi simple que cela..
    Je suis contente d'avoir découvert ton blog

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  11. La main tendue vers l'horizon, le regard perdu dans l'Infini, dans l'Absolument beau, tu jettes dans la mer des blogs tes messages parsemés de questions, de refléxions, de rires et de chants.

    Tu partages tes découvertes artistiques et tes coups de gueule.

    Et d'autres bloggeurs s'échouent sur ton blog pour s'épancher et partager quelques moments oniriques.

    La gratuité du partage, la chance de rencontrer un inconnu sur le serveur, le bonheur de vivre une autre vie que celle, tellement terrestre, qui te ramène toujours vers le bas.

    Bref, la liberté retrouvée de l'âme par le biais de la plume. Et cette âme vole haut et aspire à prendre de la hauteur pour se fondre avec le Tout Autre.

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  12. Je suis tout à fait d’accord avec notre cher Petit Belge. Il n’y autour de nous de grandes détresses, et souvent, ces gens bien de chez nous, ne reçoivent aucune aide. Il faut avoir beaucoup de délicatesse pour ne pas les froisser, car ce sont souvent des gens meurtris par la vie et ils ne sont pas tous responsables de leur déchéance ! Ce n’est pas si facile que cela de porter secours à quelqu’un qui a beaucoup de dignité !
    Gros bisous pour ce dimanche pascal !
    Florence

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  13. Je crois aussi qu'il est important de balayer devant sa porte, avant d'aller systématiquement voir plus loin qui a besoin d'aide. Un malheureux, au coin de la rue, demande lui aussi, qu'on le regarde avec empathie.... C'est ça qui importe, à mes yeux.

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  14. Je partage ton "intime conviction" Delphine.
    Que ce soit à côté de chez soi ou plus loin, l'important est la conscience de l'Autre,non?
    Un abrazo.

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  15. Ella B: bienvenue sur ce blog et merci pour ton passage. Tu le vis donc au quotidien, ce geste pour l'autre. Bravo pour ta détermination!

    Anonyme: tes mots sont beaux et doux, ami, ils semblent me connaître un peu.

    Florence: je suis persuadée que de la délicatesse, tu en as à revendre et que ton entourage en profite bien. Bonne soirée chère Florence.

    Salpi: les deux sont importants tu ne crois pas?

    Colo: je vois qu'on est sur la même longueur d'onde chère COlo. Besos

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  16. Quel beau texte, que je vais essayer de commenter, bien que mes commentaires chez toi soient souvent mangés par la toile...
    Ta dernière phrase est immense : je crois tellement à la force des petits gestes, des "gouttes d'eau" dans l'océan, je ne peux qu'applaudir les gens comme toi, qui retroussent leurs manches, les mères Teresa, les soeurs Emmanuelle, les gens qui se battent sur le terrain sans jamais baisser les bras. Je me souviens d'un billet que j'avais écrit à ce sujet, en réponse d'ailleurs à ce que tu avais écrit.

    http://celestinetroussecotte.blogspot.com/2009/08/de-leau-mon-moulin-pour-delphine.html

    Cela m'a fait plaisir de te relire à cette occasion.
    Bon dimanche chère Del

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  17. Oui oui,bien sûr que les deux sont important.mais quand un regard de compassion, si facile à donner à quelqu'un au bout de la rue peut être très important, quand il s'agit d'aider quelqu'un qui est au loin (je pense au Japon), ça n'est pas un sourire de compassion dont il a besoin, mais de monnaie sonnante et trébuchante. Et ça, il faut pouvoir financièrement s ele permettre.
    d'ailleurs, à ce sujet, il faut savoir que les artistes se mobilisent pour le Japon, c'est ici:
    http://francoise.babaorum.info/t68-Un-coup-de-main-et-pourquoi-pas-en-chansons-sur-scene.htm

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  18. Cel: je suis repassée lire ton billet et les commentaires (également ceux de la douche de FD qui m'ont à nouveau fait rigoler). J'ai l'impression de radoter à force d'évoquer chaque année les mêmes sujets. Mais je n'y peux rien, ils m'importent. A propos, ton commentaire est bien passé. En ce qui me concerne, je dois avoir un virus qui m'empêche d'aller sur certains blogs. très frustrant! Merci pour tes encouragements, mais je pourrais te les retourner tu sais.

    Framboise oups pardon Françoise: j'ai été voir; c'est beau toutes ces personnalités qui s'unissent pour un mieux, tendre la main, donner un coup de main! Merci pour le lien.

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  19. Je pense qu'il est beaucoup plus utile d'aider les gens chez eux plutôt que de les faire venir chez nous où ils sont le plus souvent malheureux, loin de leurs pays, de leurs traditions. Tout ce que l'on peut tenter pour aider ces populations à mieux cultiver leurs terres, à mieux tirer profit de leurs richesses, souvent insoupçonnées, me parait positif. Mais ce que nous pouvons faire chez nous avec des gestes simples afin de nous aider nous-mêmes à mieux vivre et à mieux aimer l'est tout autant. L'essentiel est de conserver une disponibilité intérieure. Merci de ce beau texte Delphine.

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  20. Coucou Delphine !
    Par ce mercredi tout gris, je laisse Nantes et mon jardin qui me navre avec ses plantes qui étaient si belles sous le soleil et qui maintenant attrapent toutes les maladies et dépérissent.
    Je suis partie en visites et un des chemins de la blogosphère me conduit chez toi !
    J’ai lu les commentaires que je ne connaissais pas, et je ne pourrais pas dire mieux qu’Armelle B qui me précède. C’est tout à fait ce que je pense.
    Gros bisous et à bientôt chère Delphine !
    Florence qui continue ses visites

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  21. Armelle: merci pour votre passage chère Armelle. J'aime beaucoup votre référence à la disponibilité intérieure qui mène à tous les dons.

    Florence: Il fait gris chez toi? Ici, ciel bleu mais bien frais. J'espère que tes fleurs vont bien vite se relever de leur épidémie. A très bientôt!

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  22. Je passe te souhaiter un bon week-end ensoleillé et une bonne fête des mères. A bientôt Delphine.

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  23. Chère Delphine, comme tu me manques! j'espère que tout va bien pour toi et les tiens.
    Je t'embrasse de tout cœur.
    Cel

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  24. J’ai réussi à prendre des photos, le mieux possible compte tenu de de la conception de mon petit jardin et comme je te le disais sur ma réponse à ton com., de l’ampleur que tout a prit cette année. En plus, comme je ne peux plus me baisser et que Paul en ce moment ne peux pas beaucoup m’aider, il est plus qu’indiscipliné !
    Maintenant je ne sais pas si j’en fais un article et en fait profiter tout le monde, ou si je te les envoie pour toi toute seule sur ta messagerie ? Dis-moi ce que tu en penses ?
    Le temps a été meilleur aujourd’hui, plus de soleil, donc moins d’humidité qui finalement nous glaçait !
    Gros bisous Delphine et bonne soirée !
    Florence

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  25. PB: merci pour tes gentils messages que je te réciproques en te souhaitant un excellent WE.

    Cel: pourtant, je ne suis pas très loin... Je t'embrasse

    Florence: Merci pour ces photos. Si toi tu les aimes et as envie d'en faire un billet, pourquoi pas? Je suis certaine que tes lecteurs seraient ravis d'avoir une vue d'ensemble de tes buissons fleuris. bisous

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