mercredi 26 mai 2010

Dans la joie et la bonne humeur

J'ai décroché mon premier job par hasard. Rentrée de vacances, je téléphone à une amie, vous savez, une de celles que je vois ou entends une fois tous les deux ans et nous nous retrouvons comme toujours, sans masques ni barrières, une de ces rares amies qui sait les choses sans explications superflues. Elle me demande ce que je fais.
-Ben je commence à chercher du travail.
-Mais Delphine, je quitte le mien et ils souhaitent me remplacer. Si tu veux, envoie ton CV!
Quelques jours plus tard, me voilà un peu intimidée dans la salle d'attente, serrée dans un petit tailleur "professionnel", riche des conseils de papa et une vague idée de salaire en tête.
-Vous avez fait des études de Lettres, vous apprenez à rédiger des courriers, c'est ça? Me demande PC encore plus intimidé que moi (il faut dire que mon amie n'avait pas lésiné sur les compliments).
-Euh, non pas vraiment... dis-je en masquant un sourire. N'oublions pas qu'en Belgique on parle de philologie et non de Lettres, ce qui peut expliquer la méprise de mon futur Boss.
-Pourquoi vouloir travailler ici? Vous n'allez pas vous ennuyer?
-Oooh non, je vous assure, j'ai tout à apprendre.
Tu parles Charles, je suis restée 11 mois.
-Et vos connaissances en informatique?
-J'ai une bonne maîtrise des logiciels de bureau (j'utilisais l'ordinateur comme une machine à écrire et encore fallait-il m'ouvrir le programme -ne vous moquez pas, début des années nonante (souriez amis Français, c'est du belge), c'était la préhistoire des programmes grand public.)
Oui mais quand on est responsable de la communication et qu'on gère le site internet ainsi que la Newsletter et toutes les brochures commerciales et techniques, c'est un peu limite! Mettant mon orgueil en poche, je commence donc par suivre une formation d'un logiciel de PAO, généreusement offerte par mon nouvel employeur.
PC, mon patron, est le Directeur du Marketing. Sans diplôme, il a démarré comme magasinier et a très vite évolué dans cette petite structure ouverte aux suggestions. Nous partageons le même bureau. C'est l'occasion pour lui de m'enseigner le métier, de me dévoiler le marché, la concurrence, la politique des prix, la gestion des partenariats, les budgets, les enquêtes, la présence stratégique à de grandes foires, le choix d'un stand qui cadre avec notre image etc. Il aime répéter que le Marketing c'est du "gezond boereverstand" (du bon sens paysan). Il me pose beaucoup de questions concernant l'art, la musique, la philo, la religion. On collabore bien, nos discussions sont ponctuées d'éclats de rire, ce qui provoque quelques grimaces chez certains collègues très sérieux qui confondent bonne humeur et manque d'efficacité. Très vite, on nous appelle le Club Med, ce que nous avons fini par revendiquer sans honte, les résultats étant bien là! Filiale d'une boîte française leader sur le marché, on ne regarde pas trop à la dépense; il faut être des pionniers, des précurseurs inventifs, tant pis pour le prix à payer. Je me rappelle ces milliers de brochures que nous avons jetées parce que j'y ai laissé une faute d'orthographe (elle avait échappé à l'oeil vigilant du comité de lecture que nous avions eu la prudence de mettre en place), ces gadgets que je commande quand je suis fatiguée de travailler au catalogue en ligne, les cadeaux qui pleuvent et que je redistribue à mes frères et soeurs... Je me rappelle le comptable si réticent à me prêter sa voiture de société pour que je puisse me rendre chez l'imprimeur.
-Je t'assure que je vais faire super attention, malgré mon permis provisoire, je suis très prudente.
Et ma honte lorsqu'une demi-heure plus tard, tremblante, j'ai dû appeler TDL pour qu'il vienne remorquer la voiture que j'ai explosée contre un 4X4.
Onze mois plus tard, un professeur Espagnol rencontré par hasard m'a proposé de faire un travail de recherche dans son équipe. J'ai tout planté là : PC, l'ordinateur, le catalogue, le site, les brochures et les gadgets et suis partie à l'aventure, sans regrets, si ce n'est celui de quitter de manière aussi ingrate une société qui m'a tout appris.
Quelques années plus tard, apprenant que j'étais de retour au pays, ils m'ont recontactée pour un autre job. Émue, j'ai refusé. La boîte a changé, PC l'a quittée pour travailler dans un secteur différent, TDL y est revenu après avoir été infidèle pendant quelques années, des couples se sont faits et défaits dans son ombre, les vétérans y sont toujours...

Photo: Chenapan croquant la vie à pleine dent mai 2010

25 commentaires:

  1. C'est marrant que tu abordes ce sujet, j'en discutais ce midi avec une copine "d'école"... MOi aussi j'ai trouvé mon premier job grace à une amie, et moi non plus il n'avait pas grand chose à voir avec ma formation...
    C'est le cas de beaucoup finalement : un bon réseau, et beaucoup d'adaptabilité ;o)

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  2. De bons souvenirs je vois.
    J'aime bien les années nonante et crois qu'en suisse ils utilisent aussi ce terme.
    Gros bisous Delphine
    Math

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  3. tiens encore des points communs !

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  4. J'ai trouvé l'annonce de mon premier boulot professionnel grâce à un tuyau du mari d'un ami ou quelque chose comme ça. Avant de changer de carrière, chaque compagnie, où j'ai travaillé, a déposé son bilan. Je ne dirais jamais ça si j'aurais à trouver un nouvel emploi.

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  5. Si tu savais à quel point, pour une femme au foyer comme moi, tout ceci est exotique....

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  6. Quand on est jeune, on ignore ces choses là et on redoute les entrevues, on ose pas foncer. Que d'occasions perdues, que de stress inutile!

    Accent Grave

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  7. Mais dis donc, tu as foncé! Ton petit tailleur était plein de poches secrètes et d'astuces, bravo!!!

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  8. Kabotine: et donc tu t'es montrée adaptable pour quel job?? ;-)

    Math: faut vraiment que tu fasses un stage chez nous: nous disons quatre-vingt et les Suisses octante. Nous disons nonante et eux octante-dix (mi francais mi belge quoi :-)

    dam: c'est en allant voir ton profil (on peut se tutoyer n'eset-ce pas, ce ne sont pas nos quarante ans qui vont nous en empêcher quand même, depuis le temps que j'apprécie tes compositions et emprunte tes photos)que j'ai repensé à mes expériences en Marcom. Mais ne sachant si tu travaillais dans le secteur ou le métier, j'ai préféré ne pas réagir immédiatement... Tel est pris...

    ren:je croise les doigts pour la santé de celle qui vous emploie aujourd'hui. Si un jour vous avez l'occasion de nous en parler, c'est quand vous voulez!

    Salpi: où en sont tous tes projets? tu verras que tu riras de tes premières entrevues une fois qu'elles seront passées...

    Accent: avant cette entrevue, j'ai envoyé quelques CV sans doute mal torchés et anonymes qui n'ont généré aucune réaction. Ah si seulement il y avait quelques cours pour postuler avant qu'on soit sans emploi...

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  9. edmée: euh, toi vouloir dire quoi?? j'ai fait différents jobs en fonction des opportunités, mais foncer me semble un grand mot :-) Quel temps aux States? Ici, automnal: on enterre les BBQ à notre grand malheur...

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  10. Rhô dis donc, je n'en crois pas mes yeux : elles sont déjà mûres les pastèques belges ?!!!
    Ah comme il est émouvant LE premier boulot... le mien n'avait non plus rien à voir avec ma formation et je faisais peu ou prou la même chose que le tien mais dans une agence de communication !

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  11. J'aime beaucoup cette évocation d'un premier travail et ses péripéties dans les années nonantes!!

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  12. Delphine : disons que j'ai laissé tombé mon "job" de doctorante pour aller faire l'ingénieur d'études (wouhhahahaha, ca fait riche lol !) chez un éditeur de logiciels pour la grande distrib' (glamour isn't it ?) ;o)
    (pitite curieuse ..)

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  13. Ah, tu m'as fait rire aussi! Que faire d'autre que se lancer, affirmer qu'on apprend vite et bien... même si un doute intérieur existe parfois!
    Les pastèques naissent à peine ici, comme toujours La Belgique est en avance :)))
    Un abrazo.

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  14. Marie-Madeleine: merci pour ces paroles douces à mon oreille :-)

    Kabotine: La démarche inverse quoi! Pas de regrets? C'est le secteur privé qui t'a attiré ou plutôt l'avantage salarial?
    Je sais je suis curieuse, j'aime apprendre à connaître les autres...

    Colo, merci et ravie d'avoir provoqué le rire chez toi. Evidemment, nous sommes en avance, vu le beau temps qu'on se paie depuis une semaine...

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  15. En lisant ton article, je pense à mon "petit" frère de 21 ans qui, après le fameux stage d'attente de neuf mois, commence mardi sa carrière professionnelle d'assistant social par un intérim de trois mois à Braine-l'Alleud...

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  16. Oh les premiers entretiens ... Ce que j'aime beaucoup dans ton billet, c'est que tu donnes l'impression d'avoir beaucoup appris partout ! Mais si ils te revoulaient, c'est que de ton coté tu as du pas mal donner aussi :)) Je ne me souviens plus de mon premier entretien, j'ai fait 3 ans d'intérim avant d'avoir mon premier CDI, et à l'entretien de celui là, j'étais complètement désabusée ... pourtant :)

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  17. Coucou Delph ! (à mon tour ;-)

    Sympa tes articles. Ca fait tout drôle de te lire ainsi en "rewind"
    Les images du passé défilent devant mes yeux...
    Que de chemin parcouru depuis !
    Mince.
    Le temps passe vite.
    Et la vie est amusante.
    D'avoir démarré des études de Lettres, pour finalement te retrouver dans un tout autre domaine, c'est étonnant, inespéré, et détonnant comme parcours.

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  18. PB: heureuse que ton petit frère ait déniché un interim qui je l'espère pour lui, débouchera sur un CDI: croisons les doigts...

    ms: désabusée mais sortie victorieuse si j'interprète bien les sous-entendus... et puis tu as adoré c'est bien ça n'est-ce-pas?

    Panthère: Ave! J'ai lu ton dernier billet et me suis sentie un tantinet visée hum! Tu devrais laisser tes impressions et questions chez Coumarine (dans mes liens) qui va publier un chapitre sur l'auto-censure on the web. Sûre que ça t'intéressera. J'avais oublié que tu avais partagé bon nombre de ces souvenirs... Merci pour ton passage. kiss

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  19. Hello Del,

    Euh non, surtout pas, il ne fallait pas te sentir visée ! Disons qu'il m'arrive souvent de passer d'un blog à l'autre pour y lire ce qui s'y dit, et parfois je tombe de haut (et juré, je n'ai pas pensé au tien !)
    Merci pour le tuyau "Coumarine"... Je vais y faire un petit tour...

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  20. Et on termine dans les Ressources humaines :-)....

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  21. Delphine a dit...
    Panthère, merci :-)

    Myo: mais oui, tout est dans tout et tout mène à tout n'est-ce-pas? Et je peux t'assurer que chacune de mes expériences professionnelles, aussi variées soient-elles m'ont beaucoup aidée dans ce que je fais aujourd'hui. Et ton exam, c'est quand??

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  22. Toujours pas de nouvelles mais à l'allure où ça va, ce sera septembre. Ce qui m'arrange. Joli weekend !

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  23. Bien sur que je l'ai adoré ce boulot, vraiment, et puis j'ai changé en interne et j'ai moins aimé, et puis je suis partie et j'ai changé de vie, et j'ai adoré. :)

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  24. Bonjour. Mais qui a dit qu'en Suisse on disait octante ? Quelle horreur. Huitante et nonante sonnent bien mieux !

    Je trouve toujours intéressant de lire le parcours professionnel des gens. D'autant plus s'ils sont heureux dans leur job.

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  25. Valérie: bonjour et bienvenue ici! Et ben ça alors, mais depuis ma petite enfance j'entends que les Belges et les Suisses sont des gens bizarres (dont je suis) que vous dites soit octante soit huitante en fonction des régions. Ne me dites pas que ce n'est pas vrai, on m'aurait donc inculqué des mensonges...toutes mes certitudes sont ébranlées... Damien, aiuto! Toi qui habites là-bas, dis-moi que j'ai raison!

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