samedi 22 août 2009

Paraguay


En exhumant mes poèmes, je suis retombée sur de nombreux écrits et je me suis souvenue.
Je me souviens en particulier de ces quelques mois passés au Paraguay, avec ce désir qui m'habitait d'être une petite goutte d'eau qui alimenterait l'océan de l'entraide et de la fraternité.
Je me souviens de ces enfants au rire si éclatant qui m'avaient affectueusement surnommée "Flipper" et à qui j'essayais d'apprendre quelques mots d'anglais.
De leurs orteils rongés par le "pique", ce parasite qui s'installe sous la peau et pond des oeufs qui, une fois éclos, font éclater les ongles de pieds et que nous enlevions afin de les soulager.
De ces Guaranis, qui chassés chaque fois plus au Sud, étaient décimés par la malaria.
De cet Indien Guarani dont je tenais la tête, lui assis sur une chaise de la petite classe du village, la dentiste penchée sur sa dent gangrenée, une tenaille à la main. J'admirais son courage: pas un son, pas un gémissement, seul ce battement de gorge qui témoignait de la peur et de la douleur. Et je priais car il perdait beaucoup de sang: il devait éviter tout effort, le soleil, les boissons chaudes: nous ne pouvions le recoudre car nous n'allions pas revenir.
Je me souviens de ces femmes rongées par l'infection.
De ce soldat qui est venu vers nous en courant, appelant à l'aide en serrant son doigt tranché comme son bien le plus précieux.
De ces maisons faites de cartons et de tôles que nous avons désinfectées, expliquant aux mères méfiantes pourquoi bouillir l'eau qu'elles puisaient dans le petit ru près de la décharge.
De ces chiens faméliques que nous vaccinions contre la rage.
De ces câbles à haute tension qui traînaient à même le sol.
Des inondations qui avaient fait d'une partie d'Asuncion une zone sinistrée.
De cette famille de paysans qui, en signe de gratitude, a sacrifié pour nous son unique poule.
De leur foi simple et confiante qu'accompagnaient de nombreuses images pieuses.
Des politiciens, qui en vue des élections, sillonnaient les campagnes en achetant des voix grâce à la distribution de casquettes et de dollars US.
De cette chasse au lion en compagnie de l'ingénieur agronome qui nous a permis de voir des loups et des crocos.
De ces cactus qui avaient sauvés les Paraguayens lors de la guerre du Chaco.
De ce chef Ketchua qui nous a mis des bébés crocos entre les mains.
De cette femme qui, n'ayant pas d'identité et ne pouvant par conséquent porter plainte, subissait régulièrement la visite d'hommes sans scrupules.
Et je me suis souvenue que mes visites ont quand même laissé une trace: j'ai parlé de cette femme sans identité à une amie paraguayenne soucieuse de ses concitoyens et elle a mis à profit ses études de droit pour monter une consultation juridique au dispensaire. Ses démarches ont permis de redonner une identité à cette pauvre femme abusée.
Je me souviens aussi des chutes d'Iguazu, si impressionnantes que nous en avions le souffle coupé et que notre guide s'était converti en les contemplant.
Et je me souviens de ce sentiment de gratitude qui m'habitait alors que je n'en pouvais plus de froid et de solitude parmi ce peuple si simple et si chaleureux.

Photo empruntée au site album au féminin.

6 commentaires:

  1. J'en reste san voix et très émue. Merci pour eux, tout simplement...

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  2. Ca sent le vécut, le sang, la peur, la désolation, le courage et l'abnégation de soi, l'abnégation d'une jeune fille au grand coeur prête à aider même les plus démunis. Cette jeune fille était volontaire pour aller dans ce pays pendant plusieurs mois..

    Mais dans cette histoire on sent aussi la savane sauvage, l'éloignement et surtout une autre culture, d'autres gens, d'autres façons de penser la vie au quotidien.

    En définitive on ne peut vraiment pas se plaindre car ici nous avons tout, tout, tout.

    Certains de nos politiciens égoïstes, petits d'esprits et racistes... feraient bien d'aller passer leurs vacances là-bas mais uniquement pour aider.
    Ne serait-ce pas une excellente punition aussi pour nos politiciens qui sont condamnés à des peines qu'ils ne purgent même pas parce que nos prisons sont "combles"?

    Je trouve que ces peines d'utilité publique sont bien plus bienfaisantes que des séjours en communauté carcérale.. d'où les pensionnaires ressortent encore plus mauvais qu'avant d'y être rentrés!

    Quand on voit tout ce qu'il y a à faire dans nos villes, nos campagnes et dans ces pays on pourrait y penser.

    Maintenant nos prisonniers sont souvent mieux logés que les gens qui sont pauvres, qui sont obligés de faire appel à l'aide publique! C'est un comble, non? Il paraît qu'ils ont même la piscine et internet - on rêve!!
    Bon week-end.
    Amaury

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  3. Je reste sans voix.
    So

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  4. très belle hommage.
    Math

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  5. très bel hommage.
    Math

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  6. C'est eux qu'il faut admirer, si dignes dans leur dénuement!
    Bonne soirée à vous tous!

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