Depuis des jours je tourne et retourne le roman d'Edmée dans ma tête, je l'ai au bout de la langue, à la pointe de ma plume, les doigts me démangent à force de vouloir danser sur le clavier, mais ce n'était pas encore leur moment. Chère Edmée, je n'offre pas ici une reseña en bonne et due forme, un compte-rendu linéaire respectant l'ordre des choses, la succession des événements, le résumé de la narration, j'en suis totalement incapable. Il y a une certaine linéarité dans le roman même si celle-ci est entrecoupée d'autres histoires, mises en abyme éclairant le récit sous un nouvel angle. Alors pourquoi le texte danse-t-il devant mes yeux en cercles concentriques? Non pas une valse, ni même une polka ou une mazurka, mais ce mélange envoûtant de notes successivement lascives puis endiablées, empruntes de mélancolie puis d'ivresse fougueuse telles les flammes de l'amour qui animent toutes les pages, de la première à la dernière. Pourtant, à en prendre une au hasard, on se retrouve souvent à prendre le thé, à fréquenter les salons, les allées d'un château, les pensionnats, les nurses puis les salles de bals, ou bien à contempler la mer du Nord, le Mont Sainte Victoire, les roses trémières et les cistes le long du mur. Mais c'est pour ensuite mieux échapper à toute bienséance, à l'univers aseptisé et froid où manger à sa faim est preuve de mauvaise éducation, où parler se fait en chuchotant, ou rire se fait derrière une main gantée, où aimer ne se fait pas si ce n’est conventionnellement, où tout se délabre et se détériore, faute d’âme et d’argent. On retrouve alors la chaude clarté des personnes simples et vraies, polonaises, italiennes, françaises, belges, peu importe, mais des personnes pour qui seule la poésie du bonheur compte. Cet amour vibre, souffre en profondeur pour se donner entièrement, partagé entre le passé qui l'entrave et l'avenir qui s'ouvre à lui ; il brûle parce qu'il ne peut s'exprimer comme il le voudrait. Jamais. Toujours un obstacle, mais qui le fera grandir silencieusement. Les mots dérouleront les parchemins secrets de la vérité, les excavant des méandres de l'oubli avant qu'il ne soit trop tard, avant que les secrètes fleurs de l'amour ne soient enfouies au creux de la mémoire fripée. Quelques 260 pages alors qu’il en faudrait des milliers pour raconter toutes ces vies, toutes ces amours, ces combats, ces désespérances. C'est là le miracle des mots d'Edmée si justes, vigoureux et subtils à la fois. Ils frappent les sens et le cœur et nous livrent et les personnages et l'auteur à travers une écriture proustienne qui ne tombe pas dans les pièges de la mièvrerie et fait le lien entre la force et la fragilité des héros et de leurs sentiments.
Les Romanichels, Edmée de Xhavée, édition Chloé des Lys
Un peu de tout, de rien, quelques coups de coeur, des lectures, des tableaux, des chansons, des amis, des réflexions, pas mal de questions, toutes ces correspondances...encore et encore.
jeudi 15 avril 2010
"Les romanichels" d'Edmée de Xhavée
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Tu fais là, chère Delphine un compte-rendu magistral du livre de notre amie Edmée, dans une écriture tout aussi magistrale!
RépondreSupprimer(on devrait t'engager pour faire des critiques de livres... oui oui!)
Le livre d'Edmée se trouve au pied de mon lit; il attend son heure
Mais ce que tu en dis me fait trépigner d'impatience...
A moi,Les Romanichels!!!
Delphine, je suis sidéré en lisant ton compte-rendu... Tu as vraiment un don pour l'écriture et un talent pour emporter tes lecteurs! Quel superbe texte sur le roman d'Edmée (que j'ai lu il y a plus d'un an et qui est très bien écrit également)! Bravo! Bravo! Mes quatre mousquetaires féminines de l'écriture (Coumarine-Edmée-Célestine-Delphine), vous m'impressionnez chaque jour un peu plus par ce que vous écrivez. Vous appartenez vraiment au même univers, enfin c'est comme cela que je le ressens.
RépondreSupprimerDelphine, on ne se "connaissait" pas encore à cette époque mais lors de la sortie des "Romanichels" en février 2009, j'avais consacré une Semaine Edmée De Xhavée sur mon blog des écrivains belges. Je crois que tu n'as jamais lu cette série d'articles. Cela te permettra d'en savoir un peu plus sur notre chère Edmée.
Bon week-end à toi!
...Petit temps d'arrêt ...
RépondreSupprimerDelphine,je suis ravie que tu n'aies pas fait un compte-rendu traditionnel, parce que de cette façon tu as extrait et mis en lumière ce que je voulais absolument mettre au centre du roman: l'amour. L'élan, la souffrance, la générosité de l'amour.
Ta présentation va en effet parfaitement bien avec une de ces musiques tsiganes - que j'aime beaucoup - et le profil d'un feu dans la nuit, dans une communion de rires et d'affection.
Merci de tout mon coeur.
Me voilà emportée dans le superbe tourbillon de ton billet.. qui donne une folle envie de lire Edmée et ses romanichels.
RépondreSupprimerBon week-end à toi.
J'ai déjà prévu de me le procurer et de le lire cet été. Mais après ta magnifique exhortation, commet vais-je pourvoir attendre jusque là? Certainement en me disant qu'un livre tel que celui là, on n'a plus envie de le lâcher à peine commencé, et que dans la période qui arrive, je serai happée par le travail et n'aurai par conséquent pas de plage de temps assez longue pour m'y abandonner totalement...Alors vivement l'été et ses heures de farniente propices à la lecture de tels monuments. Et bravo à toi Delphine, pour ton analyse enflammée.
RépondreSupprimermoi aussi je commence à saliver.
RépondreSupprimersourire
Bises Delphine
Mathéo
@Coumarine: je suis très touchée (mais vraiment très) de ton gentil commentaire. C'est vrai que ce serait bien d'être critique professionnel: lire pour gagner sa croûte, écrire pour gagner son toit et partager pour se vêtir... Mais cela aurait-il autant d'attrait? Et les gens se lasseraient sans doute... Le livre d'Edmée est réellement très prenant et très bien écrit, vivement qu'il partage ta couche au lieu de se retrouver à la place des amants délogés...
RépondreSupprimer@PB: après Coumarine, tu t'y mets aussi... MERCI! C'est un honneur d'être une des quatre mousquetaires (Tu veux parler d'Edm-ine, pas vrai?). Ne serait-ce pas l'univers du coeur et de la vérité? J'irai certainement lire tes billets concernant Edmée, ils m'intéressent bien entendu, surtout venant de toi.
@Edmée: J'ai peur d'avoir totalement déformé ton livre, de l'avoir réduit à très peu de choses alors qu'il décline autant d'histoires que de sentiments. Mais comment en parler alors que ton roman en est déjà la synthèse. J'espère que tu ne m'en veux pas d'avoir livré mon impression de manière brute. Coumarine disait chez Célestine si je ne me trompe, qu'une fois un livre publié il n'appartenait plus à son auteur... J'espère que tu le reconnais quand même dans ma lecture sans doute très personnelle...
@Colo: C'est le roman qui est un tourbillon, on ne le lâche pas facilement et on porte tous ces personnages.
@Célestine: Tu as raison d'attendre le moment où tu auras le temps de t'y plonger entièrement, on perd le fil sinon et ce serait dommage.
@Math: tu vas le lire? A propos, as-tu pu lire le livre de Salatko sur Chopin? Bises et excellent week-end!
Chère Delphine, je sais que l'on est extrêmement timide en présentant le livre de quelqu'un d'autre, on craint de ne pas avoir trouvé ce qu'il y avait à trouver. Mais rassure-toi!
RépondreSupprimerD'une part, on l'a dit et redit, le bouquin fait sa vie maintenant, et s'il est sorti de moi, il ne m'appartient plus. Ensuite, au fond même si on devait le comprendre autrement que je ne l'ai conçu (ce qui n'est pas ton cas!), eh bien mon inconscient aussi a participé, et ce ne serait pas si étonnant.
Je trouve que tu as laissé parler ton instinct, un peu comme si le livre était un test re Rorschach!
Encore merci ...
Me revoici (je monopolise!). Bob Boutique voudrait publier ton beau texte, Delphine, sur Actu (le lien se trouve en fin de mon billet de la semaine, et dans mes liens en général) dans sa rubrique "J'ai lu". Avec un lien vers ton blog. Mais ... es-tu d'accord?
RépondreSupprimerPas de problème si tu préfères pas, tu sais!
Edmée,Avec grand plaisir! Je reviens plus longuement chez toi tout à l'heure, mauvaise heure et amis à la maison...
RépondreSupprimerA très vite !
Delphine ! tu m'as donnée envie de me procurer ce livre de toute urgence : Je dois le lire !
RépondreSupprimerJe ne connaissais son auteure qu'à travers son blog épisodiquement consulté, mais là j'avoue, je suis piquée de curiosité j'ai envie de m'entourbilloner dans cette histoire au son des tsiganes...
Je m'en vais de ce pas en comettre l'achat ! ;o)
Je crois bien que je vais me procurer son livre et celui de Coumarine pour les lire au calme cet été :))
RépondreSupprimer@Kabotine: tu aimeras, j'en mettrais ma main à couper!
RépondreSupprimer@ms: excellente idée, tu ne regretteras pas: aussi beaux qu'ils sont différents!
Merci encore, Delphine, ainsi qu'à ceux et celles qui sont interpellés par son très beau texte au sujet de mon livre. C'est vrai qu'il ne m'appartient plus, mais c'est mon "petiot" et naturellement ... s'il plaît, j'en suis heureuse. Et rassurée...
RépondreSupprimer