samedi 30 janvier 2010

Souvenirs souvenirs

A ma soeur aînée, qui me dit parfois que je suis sa mémoire...

Allongée sur le lit de camp de l'hôpital, je revoyais deux fillettes de dix et douze ans quémandant la permission de rejoindre les scouts qui campaient dans le bois. Accroupies, elles regardaient les Eperviers scier, hacher, tailler, traîner les troncs nus, les assembler en constructions savamment étudiées. Parfois, elles mettaient la main à la pâte, munies des outils de bon-papa. Puis elles se muaient en aventurières : juchée sur deux fougueuses montures (le second et le troisième de patrouille) qu'elles talonnaient pour aller vite, encore plus vite, elles tournaient, virevoltaient, sautaient, heurtaient d'autres montures. Accrochées par des cavaliers ennemis, elles se dégageaient, attrapaient ici un pull, là une lanière de chapeau. Elles approchaient du but, encore un peu, un tout petit peu, GAGNE, elles avaient GAGNE! Le foulard dans leur poing serré, elles hurlaient leur joie et leur fierté. Elles assistaient le troisième chargé de la tambouille et touillaient l'eau bouillonnante qui chauffait dans les casseroles noires d'une crasse laissée par plusieurs générations de scouts. Inventifs et curieux, ils avaient organisé un barbecue de moules d'eau douce, pêchées à main nue dans l'étang. Ils invitèrent les filles de la maison à y goûter, ce qu'elles refusèrent poliment. Elles étaient parfois conviées aux veillées et, serrées l'une contre l'autre, elles les regardaient fumer le calumet de la paix et, sans se lasser, les écoutaient chanter. Un soir où elles avaient dû rester à la maison, la plus jeune les entendit hurler :"Et j'ai crié, crié-é, Delphine, pour qu'elle revienne...". Assise sur l'appui de fenêtre et humant les senteurs du soir, elle se prit pour une star, l'espace d'un soir. De longues semaines plus tard, une lettre adressée à la plus grande des deux éveilla la curiosité de la maisonnée. Bien qu'harcelée par sa petite soeur, elle ne souffla mot du contenu de la missive. Finaude, la cadette trouva des morceaux de papier déchirés dans le fond d'une corbeille et les assembla en un puzzle qui dévoila un poème où la chevelure de feu de l'aînée était comparée au soleil couchant. Un rendez-vous était proposé, sans aucun doute avorté. Lorsqu'à son tour, elle reçut une lettre de son scout préféré, Delphine eut trop peur d'être démasquée. Elle ne toucha mot de la lettre et la brûla afin qu'il n'en resta rien. Des années plus tard, lorsqu'elle confessa ce geste, personne ne la crut! Elle rangea alors les lettres de ses soupirants dans une boîte à chaussure munie d'intercalaires. Finalement, elle s'en débarrassa comme on se déleste de tout ce qui attache au lieu de libérer et s'en trouva très bien.

Et vous, mes chers lecteurs, avez-vous aussi des souvenirs heureux à partager? Des souvenirs qui nous sortent de la morosité de ces jours blancs et gris et froids ?

photo empruntée à Voir ou regarder.

11 commentaires:

  1. Excepté plusieurs problèmes de santé heureusement aujourd'hui résolus, j'ai eu une enfance heureuse et je garde surtout en souvenir les moments passés avec mes chers grands-parents (j'avais 9 ans 1/2 quand mon petit frère est né). Mes parents n'ayant pas des horaires faciles avec leur travail, mes grands-parents me reprenaient tous les jours à l'école, et me gardaient durant la plupart des congés scolaires. J'ai donc un lien très fort qui dure toujours aujourd'hui, vu que je les vois trois fois par semaine. Et mon grand-père est si heureux de me voir habiter et restaurer sa maison natale. Excepté lors des fêtes, ils ne me gâtaient pas avec des cadeaux mais ils m'offraient leur temps... Quand on est un enfant, quel plaisir d'avoir des adultes qui veulent bien jouer au ballon ou à des jeux de société plusieurs fois par semaine ou partir une journée à la mer, dans les Ardennes ou à Bruxelles (grâce à ces petites excursions d'un jour, c'est eux qui m'ont fait découvrir et aimer la Belgique). Sans oublier que je jouais avec eux au maître d'école avec un petit tableau et que je leur faisais faire des devoirs. En 1990, mon grand-père me donnait les suppléments parus sur les 60 ans du roi Baudouin...sans s'imaginer que çà allait être le début d'une collection. A 13 ans, j'écrivais mon premier article pour "Rédac'Jeunes", une rubrique du journal "La Province" (acheté par mon grand-père) qui publiait chaque semaine des articles écrits par des enfants de moins de 15 ans.

    Delphine, toi qui me connais un peu, ces quelques lignes te permettront de constater que tout ce que je fais aujourd'hui dans ma vie trouve son origine dans mon enfance sous le regard bienveillant de mes grands-parents.

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  2. Petit Belge, oui je commence à te connaître un peu malgré ta discrétion. C'est vrai que tes grand-parents sont omniprésents dans l'évocation de ton enfance. Mais tu en dévoiles un peu beaucoup plus dans ce billet et j'en suis touchée, merci pour ça. Le lien que tu fais entre tes intérêts d'enfant suscités par tes grands-parents et tes passions d'aujourd'hui est très beau. Ils doivent être si fiers d'être les initiateurs de tes oeuvres... Amaury a connu le même type de scénario, mais je le laisserai raconter s'il en a l'envie...

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  3. J'ai été scout et si mon grand age ne nous séparait pas, je crois bien que j'aurais pu être ce scout amoureux...
    sourire
    Math

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  4. J'ai mis un commentaire il y a deux heures, et ai heurté une mauvaise touche, oups tout est parti!

    Charmant souvenir, Delphine, j'adore le souvenir et ce qui l'entoure, les scouts qui campent, les deux petites filles curieuses et téméraires, les émois mignons qui en naissaient ...

    Oui, j'en ai aussi, des souvenirs ... c'est ce qui nous aide à comprendre le présent, comme le constate le Petit Belge ...

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  5. @ Math, quel grand âge? De qui parles-tu? Il faudra que tu nous racontes tes péripéries (totem et quali? On veut savoir!) Bonne soirée et plein de doux rêves!

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  6. je ne comprends pas quand je discute avec des amis et qu'ils me disent qu'ils n'ont presque pas de souvenirs dans leur enfance ça me fait presque de la peine pour eux car personnellement j'en ai ........des milliers des bons des moins bons aussi, mais surtout de tres bons surement et j'adore passer des grands moments à me les rapeller ! d'ailleurs c'est quotidiennement et avec n'importe qui que je sois je relate toujours un souvenir de mon enfance je reconnais que parfois ça doit etre un peu pénible selon avec qui je discute et j'étonne les gens quand je leurs dis qu'à deux ans je me rappelle des choses allez j'ose vous en raconter un qui va d'ailleurs faire frémir certains mais quand j'avais justement deux ans et que je n'allais pas encore à l'école maman accompagnait les grands et pour ne pas me faire sortir dans le grand froid elle me laissait assise dans un fauteuil du salon avec un petit duvet bleu ciel et me disait de l'attendre et d'etre bien sage et j'attendais son retour bien sage maintenant je ne sais pas si ça me parraissait long mais je me souviens bien et quand maman rentrait j'étais toujours sur mon petit fauteuil bien sage remarquez je ne sais pas où j'aurais bien pu aller étant donné que je n'ai marché qu'à deux ans !!!! voilà mon plus lointain souvenir . Bonne soirée Delphine et une bise à Chenapan en espérant qu'il aille mieux et qu'il ne garde pas de souvenirs de ce mauvais moments !!

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  7. Moi aussi j'ai des milliers de souvenirs de cette enfance dorlotée, comment choisir parmi cette somme d'images qui m'assaillent au détour d'une odeur, d'une chanson, d'une évocation. Ah! chères madeleines de Proust...Je me souviens d'un jour de pluie, je devais avoir à peine cinq ans et mon frère cadet un an de moins. Nous étions sortis dans le grand parc de la maison où nous habitions alors, sortis sans permission pour aller clapoter dans les flaques avec nos bottes de caoutchouc. Nous avions chipé à notre mère des flacons vides, de ces flacons de verre violets que l'on trouve dans les pharmacies, qui avaient dû contenir de l'eau de fleur d'oranger. Nous jouâmes à les remplir de l'eau qui dégoulinait du toit par les gouttières de la maison. Puis nous avalâmes tant et plus de ce breuvage fétide et délicieux. La justice divine s'abattit sur nous sous la forme d'une magistrale colique, (on ne disait pas encore gastro). Depuis, je ne peux pas sentir l'eau de fleur d'oranger sans me rappeler instantanément cette merveilleuse et interdite escapade dans l'herbe mouillée, en dépit de la façon éhontée dont elle se termina...
    très bonne journée ma Delphine
    I kiss you
    celestine

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  8. Je me souviens très bien de ma lettre, qui m'avait tellement bouleversée, et plutôt même blessée, tellement je me suis sentie trahie dans mes sentiments d'amitié enfantine alors que j'étais à mille lieux d'imaginer que je pouvais être l'objet d'un amour...
    Par contre, j'ignorais totalement que toi aussi tu avais reçu une lettre...cachottière!!!

    M

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  9. @ Edmée, désolée pour cette déconvenue, ça m'arrive aussi de temps à autre. J'ai ensuite pris le pli de copier mon commentaire avant de l'envoyer pour ne pas le perdre au cas où... (j'avoue que cette bonne résolution n'a pas fait long feu...)Et oui, je me rends compte de la chance que j'ai d'avoir eu une enfance préservée...

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  10. @ Hutte des bois, merci de partager ce très vieux souvenir avec nous. Ne me dis pas que tu ne bougeais pas un tout petit peu sous le petit duvet bleu ciel, je ne peux croire que tu ne te tortillais pas pour essayer de voir ou d'attraper quelque chose :-)Chenapan est en pleine forme bien qu'il reste à la maison par précaution et il adore l'hôpital où les "fermières" sont ses "coupines" et lui obéissent dès qu'il pousse sur un bouton (toute une éducation à recommencer...)Merci de t'en préoccuper.
    @Célestine: quand on se remémore la mère que tu nous as décrite avec tellement d'amour et d'admiration reconnaissante, on ne peut qu'imaginer des enfants épanouis et possédant des tonnes de souvenirs. Ah les désobéissances! L'attrait de l'eau! Ma soeur aînée et moi (nous formions la paire des vieilles sur les six enfants) avions un jour interdiction de nous baigner dans l'étang car il faisait trop froid. POur être sûre d'avoir le dernier mot, elle confisqua nos petits maillots de bain. Tu penses que ça nous a découragées? C'était mal nous connaître! Nues, nous sommes parties explorer les ruisseaux, avons rampés dans des tunnels et... avons aboutis sur la grand'rue du village dans le plus simple appareil et pleine de cette vase au parfum si particulier! Notre sens de l'orientation n'était pas encore des plus développé...
    @ M, tu as été très souvent l'instigatrice de nos aventures dans les bois, sur l'île ou dans les champs, de nos nuits à la belle étoile et de nos concours sur le radeau. Kiss

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  11. ton joli billet m'a inspirée...

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